« Jour de colère » ou la galaxie des réacs dans la rue
Après « la marche pour le vie », le 19 janvier, ou plutôt contre le droit des femmes à l'IVG, dopée par le projet de loi espagnol et la bénédiction du pape, c'était au tour de la galaxie des réactionnaires de tous horizons d'occuper les rues de Paris le 26 janvier.
Sur le modèle de « La manif pour tous », une nébuleuse d'organisations réunies dans un collectif composé d'anonymes et sans moyens financiers, parait-il, appelait à une manifestation destinée à « fédérer tous les ressentiments et les colères à l'égard du pouvoir » , justifiant l'appel à la démission de F. Hollande.
« Jour de colère » ou plutôt journée de haine au vu des slogans ici antisémites, là islamophobes, ailleurs homophobes, s'en prenant aux francs maçons, aux journalistes, à tous ceux qui dégradent la France et pervertissent la société.
Des personnalités politiques étaient spécialement visées : Christiane Taubira bien sûr, mais aussi Najat Vallaud-Belkacem, coupable d'avoir fait voter une loi renforçant le droit des femmes à l'IVG.
On ne pouvait pas en attendre moins d'un tel aéropage regroupant des partisans de « La manif pour tous » et du « Printemps français », des catholiques intégristes, de royalistes, de groupes fascistes, de négationnistes, des sbires d'Alain Soral, des groupis de l'ex-humoriste et bien d'extrême-droite Dieudonné, sans oublier des Bonnets rouges et des jeunes gens de bonne famille.
Relever le côté contradictoire des mots d'ordre et des slogans, c'est une façon de voir les choses mais pas la plus pertinente.
A voir toute cette galaxie d'extrême-droite, haineuse, xénophobe, violente dans ses mots d'ordre, et ses actes comme l'a montré la fin de la manifestation, cela rappelait le début des années 1930.
Tapie dans l'ombre, cette ultra droite se montre maintenant en pleine lumière et il faut prendre la mesure de la haine sociale qu'elle charrie. Avec elle, remonte à la surface les pires pulsions et les pires préjugés. De ses rangs, est née une rumeur contre l'enseignement de la théorie du genre et un appel à boycotter l'école le 24 janvier dernier.
Après avoir mobilisé sur des questions de société en refusant de voir l'évolution des moeurs au nom de valeurs éternelles, la mouvance d'extrême-droite tente de fédérer sur les problèmes sociaux et entend balayer large. L'appel à manifester pour la démission de Hollande liste ainsi les méfaits du gouvernement : il "matraque les contribuables, enterre notre armée, libère les délinquants, déboussole nos enfants, pervertit notre système scolaire, détruit nos familles, assassine notre identité."
Le Front national, en embuscade, n'a plus qu'à faire son marché pour embrigader des victimes de la crise, des personnes déboussolées par la crise à la recherche de boucs émissaires faciles à trouver et de solutions simplistes.
Les politiques d'austérité suivies depuis plusieurs années, d'abord par Sarkozy, poursuivies par Hollande, provoquent d'immenses dégâts sociaux en terme de chômage (3,3 millions sans aucune activité et près de 5 millions en comptant les chômeurs ayant une activité réduite) , de précarité et de monter de la pauvreté qui touchait, en 2012, 14% de la population soit 8,6 de personnes, notamment. Une récente étude montre que dans les quartiers de l'Est parisien, le taux de pauvreté concernait entre 20 et 25% de la population de ces quartiers. 964 euros par mois, c'est le seuil de pauvreté d'une personne seule.
Parallèlement, la campagne sur l'identité nationale, lancée à l'époque de Sarkozy, a libéré des pulsions xénophobes. Quant à la hiérarchie catholique qui s'est associée aux manifestations contre le mariage pour tous, elle a contribué à amalgamer dans la rue de nombreuses familles au côté des groupes d'extrême-droite.
L'UMP a fait un pas en arrière dans son positionnement à l'égard de cette dernière manifestation au vu des slogans proférés. Mais, le parti dirigé par J.F. Coppé reste dans l'ambiguité. Il est tiraillé entre le désir de s'associer à tous ces mouvements très à droite anti-Hollande, comme l'a montré sa participation aux manifestations anti-mariage pour tous, et en même temps il ne veut pas paraitre associé aux dérapages de ces manifestations. Cette ambiguité est bien illustrée par les propos de Luc Chatel, ancien ministre de l'éducation, qui disait comprendre les motifs de cette manifestation, même s'il n'en approuvait pas son déroulé.
Il faut prendre la mesure de cette situation et ne pas laisser sans réagir toute cette haine occuper l'espace public, se diffuser dans la société par différents biais, que ce soit les réseaux sociaux ou autres.
L'alternative de gauche est d'autant plus urgente à construire et pour cela il faut rechercher la plus large unité possible à la fois sur les problèmes sociaux, les réponses à la politique d'austérité mais aussi sur les problèmes sociétaux pour rejeter l'ordre moral que d'aucuns voudraient faire revivre.
Michel Gautier