Du côté de la chaine humaine

Plus de 10.000 personnes hier ont constitué une chaine humaine pour défendre le Climat. C'est un évènement majeur qui ne peut être éclipsé par les scènes de violence en fin de journée Place de la République. Comment faire vivre la démocratie dans un contexte d'Etat d'urgence ? Soyons vigilants sur les conditions véritables de la démocratie et de la liberté.

Hier, l’événement majeur fut la grande réussite de la chaine humaine. Dans un contexte contraignant, celui de l’état d’urgence, deux années de travail des organisations de la coalition Climat se jouent. Alors que la COP 21 réunit en France des chefs d’Etats du monde entier, le mouvement social, citoyen, politique porteur du changement de mode de production et de consommation à même d’endiguer le réchauffement climatique a donné de la voix. Pacifiquement. Les chaussures déposées en masse exprimaient cette volonté de compter, de peser dans les négociations au sommet.

Malheureusement, les images de violence sur la Place de la République entachent celles de plus de milliers de citoyens et militants se donnant la main ou déposant leurs chaussures pour dire leur volonté que les Etats s’engagent concrètement et fortement pour le Climat. Sur les chaines d’info continu comme dans les grands médias papier, ce sont les photos de personnes portant des cagoules et piétinant le monument dédié aux victimes du 13 décembre qui dominent. Que les bougies et les fleurs déposées pour rendre hommage aux victimes du 13 décembre aient pu être saccagés est insupportable. C’est en effet indigne de la mémoire que nous devons rendre collectivement aux personnes victimes des attentats sanguinaires perpétrés par Daesh. Une poignée d’individus cagoulés venus « casser du flic » et non défendre le Climat a provoqué. Les forces de police étaient présentes en nombre impressionnant au regard de la taille de cette manifestation interdite et à laquelle très peu d’organisations appelaient – Ensemble-Front de Gauche, dont je suis porte-parole, n’y appelait pas. Des échauffourées entre quelques individus et la police ont crée ce climat destructeur pour la mémoire des victimes. Côté police, les gaz lacrymogènes ont vite été sortis. Des scènes de violences policières m’ont été rapportées. La lumière doit être faite sur le déroulement de ces événements.

Que 317 personnes aient été embarquées est révoltant. Parmi eux, on compte des militants et sympathisants d’organisations politiques telles que le NPA, le Parti de Gauche, Ensemble, comme d’associations écologistes ou de défense des Droits de l’Homme. Il est clair que l’Etat d’urgence porte aujourd’hui en germe un climat de pénalisation des mobilisations sociales. Celui-ci ne date pas des attentats : les procès des Goodyear ou de la ferme des 1000 vaches ont récemment montré combien la fermeté à l’égard des acteurs des mouvements sociaux était de mise. Avec l’Etat d’urgence, la suspicion et la pénalisation s’accélèrent à vitesse grand V. Des agriculteurs bio ou des « zadistes » ont été perquisitionnés : est-ce ainsi que l’on combat sérieusement le djihadisme ? Les manifestations sont d’emblée interdites, de telle sorte que l’on peut faire ses courses dans une grande surface mais pas descendre dans la rue pour défendre ses idées. Où est la démocratie ? On peut aller au Salon du Vin ou du Cheval mais pas défendre dans la rue les sans-papiers. Au nom de la sécurité, une logique absurde se met en place. Elle aboutit à ce que, au nom la défense de la liberté, des libertés fondamentales en démocratie se trouvent bafouées.

La coalition Climat a répondu intelligemment à l’interdiction de manifester en imaginant la chaine humaine. Nous allons dans les mois qui viennent nous trouver régulièrement devant cette difficulté : l’espace social et politique porteur d’une logique de transformation sociale et écologiste doit rester soudé et dégager, ensemble, les moyens de riposter. Le mouvement social ne doit pas dépérir avec l’état d’urgence mais trouver la voix de son expression face à un pouvoir qui ne lui facilite pas la tâche.

Les images de violence telles que celles de la Place de la République ne servent aucunement la cause du Climat et de la justice sociale. La fachosphère, très en forme par les temps qui courent, se charge de les utiliser contre nous. BFM n’hésite pas à sur-saturer ses télespectateurs d’images sélectives qui ne sont pas favorables aux visées d’une gauche sociale et écologiste : vous verrez et reverrez les bougies jetées par des hommes cagoulés, vous ne verrez pas les fleurs écrasées par les crampons de policiers ou les militants se tenant la main pour protéger le monument aux victimes.

Nous devons prendre nos responsabilités en intégrant ce contexte. Valorisons la logique des chaines humaines et interpellons le grand nombre sur les conditions de la liberté véritable.

Clémentine Autain. Publié sur Médiapart.

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