Face à la haine, l’exigence d’égalité

Comment analyser la multiplication des manifestations xénophobes ? On peut l’identifier à une "montée des périls" susceptibles de produire du chaos. Un tel monceau de haines recuites semble avoir l’énergie redoutable du désespoir. Et c’est peu dire que le désespoir appelle rarement une mobilisation porteuse d’émancipation. De fait, la haine de la société et la haine de la démocratie s’entremêlent, dans une intention de plus en plus explicitement ségrégative et totalitaire.
Une autre analyse, plus optimiste, considère que ces mouvements nostalgiques sont les soubresauts pathétiques d’un monde qui disparait. L’influence catholique s’estompe, le modèle familial traditionnel a explosé, les aspirations des individus ont changé, la société française est et sera de plus en plus cosmopolite… De fait, au lieu de prétendre désespérément revenir à un hypothétique glorieux passé national, l’heure est à opposer à la mondialisation (libérale) la mondialité1 (solidaire).
Le problème, cependant, c’est que la fédération des mécontents sur des bases réactionnaires produit de la casse humaine. La société n’est pas immunisée contre la violence, et celle-ci semble aujourd’hui bruyamment frapper à nos portes. La captation des colères légitimes et des désirs de résistances, leurs défigurations pour leur donner le laid visage du racisme - antisémitisme, islamophobie, homophobie… - ou le profil hideux du mépris naturalisé - détestation des jeunes, des précaires, des vieux, domination des femmes… - signe l’échec cruel des formes traditionnelles de politisation.
Pour autant, nous ne sommes nullement démunis. Un certain mythe républicain s’affaisse, le fossé entre la devise censée incarner les droits de l’homme - liberté, égalité, fraternité - et la réalité est béant aux yeux de tous ? L’orientation anciennement sociale-démocrate est devenue ouvertement libérale ? Cela nous conduit à associer à l’idée de fédération des résistances contre l’austérité et contre toutes les dominations, celle d’un mouvement de transformation de la société pour l’égalité en général. Qu’y-t-il de plus urgent que d’y travailler, sous toutes les formes, en tous lieux, à toutes occasions et dans un esprit ouvert ?
Face aux Dieudonné (l’antisémite compulsif), aux Soral (l’idéologue sordide) et aux Meyssan (le mercenaire sans scrupule), noms d’un opportunisme et d’un cynisme mortifères, prenons conscience de notre force et partageons nos convictions pour en faire un large sentiment populaire.
Gilles Alfonsi, 7 février 2014. Publié sur le site de Cerises.