La Commune est en lutte !

A l’évidence, un siècle et demi après son écrasement, la commémoration de la Commune soulève toujours bien des polémiques. Ainsi un certain Rudolph Granier, conseiller (LR) de Paris, s’en est récemment pris dans les pages du Journal du Dimanche à la décision de la municipalité parisienne d’accorder une subvention aux Amis de la Commune, une association qui selon Granier « glorifie les événements les plus violents de la Commune de Paris ».
Plus généralement, il se refuse à toute commémoration car « on ne danse pas au son des meurtres et des incendies » ! L’édile reprend sans aucune gêne le refrain sur les Communards incendiaires : « la Commune n'a pas été l'amie des monuments, à commencer par l'Hôtel de Ville, dont l'incendie a aussi ravagé les archives. Du palais des Tuileries au Conseil d'État, en passant par le palais de la Légion d'honneur pour n'en citer que quelques-uns, les incendies de la Commune ont détruit des pans entiers de la capitale ». Décidemment peu avare de contre-vérités, le même écrit sans rire : « il s’agit d’histoire, non d’idéologie » !
Ainsi, depuis 150 ans, la haine des Versaillais pour la Commune s’affirme de manière toujours plus décomplexée. Ils n’ont vraiment « rien appris, ni rien oublié » et n’hésitent pas à instruire sans fin le procès de ces Communards que leurs ancêtres ont massacré. Raison supplémentaire pour, de notre côté, poursuivre ce travail qui n’est pas seulement un « travail de mémoire », une défense de la mémoire de la Commune. Mais, aussi, une tentative de remettre son héritage au cœur des débats sur l’émancipation.
Ce sont ces préoccupations qui m’ont incité à donner une forme écrite à la quinzaine de petites vidéos réalisées en 2011, pour le cent-quarantième anniversaire. A l’époque, ces vidéos furent progressivement mises en ligne (sur le site du tout nouveau NPA). Elles essayaient modestement de raconter ce que furent les 71 jours qu’a duré la Commune de Paris, du 18 mars au 28 mai 1871. Il s’agissait alors – et encore aujourd’hui - d’évoquer les principales dates qui en ont ponctué l’épopée révolutionnaire, de faire revivre celles et ceux qui en furent les principales figures et de rappeler l’héritage programmatique et stratégique de la Commune.
François Coustal
Épisode 1 : 4 septembre 1870, la III° République
Le 4 septembre est sûrement un évènement important puisqu’il a donné son nom à beaucoup de nos rues, à des places de nos villes et même à une station du métro parisien. De quoi s’agit-il ? En fait le 4 septembre 1870 est le jour où a été proclamée la III° République ainsi que la déchéance de l’Empereur Napoléon III. Et, donc la fin du Second Empire. D’où cet évènement vient-il ? Né d’un coup d’État, le Second Empire a duré une vingtaine d’années et connu des hauts et des bas. Mais après des années de mécontentement et de contestation populaire, l’Empire et l’Empereur semblaient mieux installés que jamais. En cette année qui nous occupe, en mai 870, Napoléon III avait organisé un référendum plébiscite qui portait sur des aménagements constitutionnels du régime, dans une direction plus libérale (au sens politique du terme), plus parlementaire… tout en fardant j’Empire et l’Empereur. Les républicains s’étaient divisés entre partisans de l’abstention et du « non ». Finalement, le résultat du référendum avait été une grande victoire pour Napoléon III puisque 7 millions et demi s’étaient portées sur le « oui » contre seulement 1 millions et demi sur le « non », avec des scores très importants dans la France rurale et conservatrice : près de 80% dans certaines circonscriptions, les seules exceptions à ce plébiscite en faveur de l’Empire étaient les grandes villes (Paris, Lyon, Marseille, Toulouse).
Pour la gauche modérée, ce référendum a constitué un véritable traumatisme. Pour les partisans bourgeois de la République, c’était réellement le désenchantement et la conviction que l’Empire était plus puissant que jamais. C’est d’ailleurs aussi la conviction de Napoléon III : pour lui, les électeurs ont définitivement tranché entre la République et l’Empire. Fort de ce succès et de sa popularité renouvelée, il va alors se lancer dans une aventure militaire qui va rapidement tourner au cauchemar. Le 18 juillet, donc quelques mois seulement après ce référendum, il déclare la guerre à la Prusse. Et là, tout de suite, les catastrophes militaires vont s’enchaîner dont l’aboutissement est la défaite de Sedan, avec des pertes humaines considérables. L’État-major de l’armée française capitule. Napoléon III ainsi que 100.000 soldats français sont faits prisonniers par les Prussiens.
Dès que ces nouvelles sont connues, des mobilisations populaires se produisent pour réclamer la déchéance de l’Empereur et le retour à la République, essentiellement à Lyon, à Marseille et, bien sûr, à Paris. A Paris, justement, que se passe-il ? Les députés du « corps législatif » - à l’époque, il n’y a pas vraiment de Parlement et tout le pouvoir découle de l’Empereur, mais il existe une forme semi-parlementaire qui s’appelle le corps législatif – les députés se réunissent au Palais-Bourbon et s’interrogent sur la conduite à tenir. Il faut savoir que, à l’époque, la majorité de l’Assemblée est constituée de partisans de l’Empereur (des bonapartistes) ou de monarchistes de diverses obédiences. Les partisans de la République sont en minorité et, en plus, ils sont assez divers : il y a des républicains très modérés dont on va vor le rôle qu’ils vont jouer ; il y a des républicains plus radicaux, jacobins – à l’époque, ce n’est pas une insulte ! – qui se veulent les continuateurs de la Révolution française, notamment des premières années de cette révolution, de 1789 à 1793. Et puis, il y a aussi des républicains socialistes, des penseurs et des militants qui se réclament du mouvement ouvrier qui est en train de se constituer à travers des syndicats, des partis, des clubs, des revues et toutes autres sortes de formes d’organisation.
Pour en revenir aux députés, ils sont réunis au Palais-Bourbon. Il y a une idée éphémère qui est de confier le pouvoir à l’Impératrice, rapidement abandonnée. De là à proclamer la République, il y a un pas que la classe politique française de l’époque ne veut absolument pas franchir. Pourtant, elle va y être contrainte dans la journée par la mobilisation populaire. Déjà, en effet, des groupes de manifestants commencent à vouloir envahir le Palais-Bourbon. Mais, surtout, une foule très importante a commencé à se rassembler là où elle le fait traditionnellement quand la révolte gronde, depuis la Révolution française et la Révolution de 1848 : sur la place de l’Hôtel de ville. En première ligne de ce rassemblement, on trouve des républicains révolutionnaires, des républicains radicaux ou même socialistes, à commencer par la grande figure, le grand révolutionnaire Auguste Blanqui.
Auguste Blanqui a été surnommé « l’Enfermé ». En effet, rarement un militant a été autant victime de la répression : au cours de sa vie, il aura passé 37 ans en prison. C’est un polémiste, un théoricien et un homme d’action obsédé par l’idée de la prise du pouvoir qu’il voit comme une insurrection dirigée par un petit groupe d’hommes déterminés. Chaque fois qu’il est libéré de prison, il n’a de cesse de construire de nouvelles organisations et de bâtir de nouvelles conspirations. Au cours de cette année 1870 dont on parle, il a déjà commis deux tentatives : en Janvier, lors des funérailles de Victor Noir, un journaliste assassiné par Pierre Bonaparte, un cousin de l’Empereur. Il a tenté de transformer le cortège funéraire en émeute. Seconde tentative : le 12 août, quelques semaines avant le 4 Septembre, il a tenté de s’emparer d’un dépôt d’armes. C’est donc cet homme qui se porte à la tête du rassemblement parisien avec la ferme volonté de transformer le mouvement en insurrection.
Les républicains modérés sont rassemblés au Palais-Bourbon. On peut donner quelques noms, dont certains sont passés à la postérité : Jules Fabre, Jules Grévy, Jules Simon, et, plus connus, Jules Ferry et Léon Gambetta. Pour eux, il faut à tout prix empêcher ce qui se dessine place de l’Hôtel de ville et établir des contre-feux aux menées révolutionnaires, notamment celles de Blanqui, d’autant plus que dans la journée, à Lyon et Marseille, des rassemblements populaires ont déjà proclamé la République. Donc, les républicains modérés vont forcer la main au corps législatif en le convainquant que mieux vaut prendre l’initiative que d’être débordés par une insurrection dirigée par des révolutionnaires. L’initiative, pour couper l’herbe sous le pied des révolutionnaires, est de proclamer eux-mêmes la République et, ainsi, d’essayer de contribuer la situation et de le faire là où la foule qui est une menace pour l’ordre établi s’est rassemblée, c’est-à-dire à l’Hôtel de ville.
Un petit cortège de députés entouré d’une petite foule se rend du Palais-Bourbon à l’Hôtel de ville. C’est une course de vitesse entre les républicains modérés et ceux qui expriment plus ou moins le mouvement populaire. Sitôt arrivés dur place, Gambetta et Fabre proclament la République. Pour convaincre la foule et la démobiliser, Jules Ferry indique qu’il y aura un nouveau gouvernement qu’il sera composé de députés républicains de Paris, auxquels s’adjoindra le gouverneur militaire de Paris (qui est un général très conservateur). Ce sera un gouvernement de défense nationale, car il ne s’agit pas seulement de prendre acte de la faillite de l’Empire mais aussi d’organiser la défense nationale dans une situation où l’armée prussienne occupe l’Est de la France et s’apprête à marcher sur Paris. Des années plus tard, la classe politique française, celle qui sera aux commandes pendant toute la III° République, les républicains bourgeois et modérés, vont essayer de bâtir la légende d’une instauration tranquille et ordonnée de la République. Pour cela, ils se réfèrent notamment au commentaire fait par Jules Ferry qui, à propos du 4 septembre, disait : « il y avait des fleurs, des fusils, un air de fête dans la cité. Jamais une révolution ne se fît avec une telle douceur ». Ce mythe oblige à oublier un peu vite que la consolidation définitive du régime républicain, y compris au niveau constitutionnel, n’aura en fait lieu que 4 ans plus tard et à une voix de majorité seulement au Parlement…
Cela oblige surtout à oublier qu’entre la République proclamée le 4 septembre et la stabilisation de la III° République, il y aura l’écrasement de la Commune par les républicains modérés. Écoutons-donc plutôt ce que dit Talès, l’un des auteurs les plus connus sur l’histoire de la Commune on en reparlera). Ce qu’il dit à propos du 4 septembre est en effet assez différent : «pendant un instant la République populaire est possible. Mais la race des parlementaires escamoteurs de révolution vit encore ». Et, en effet, ce 4 septembre est éclairant dans le débat récurrent qui existe à propos de la République. En fait, dès le départ, deux conceptions sont présentes. Et ces conceptions répondent en fait à l’affrontement de deux classes sociales.
Il y a la République dont le contenu est la chute des trônes, la fin de la tyrannie, l’égalité politique et sociale C’est celle des ouvriers et des artisans, du petit peuple parisien, des républicains radicaux qui se réclament de 1793, des républicains socialistes, de Blanqui, de ceux et celles qui seront les héros et les héroïnes de la Commune, quelques mois plus tard. C’est la République d’en bas.
Et puis il y a la République bourgeoise, la République modérée, celle des républicains modérés… qui ne seront pas modérés dans la répression de la Commune comme on le verra quelques mois plus tard. C’est la République conservatrice, celle de l’ordre, de la défense de l’ordre et de la propriété privée, celle qui se méfie du peuple et de l’effervescence populaire. C’est la République d’en-haut.
C’est la République des parlementaires escamoteurs de Révolution…
Épisode 2 : les évènements de Septembre 1870
Comme on l’a vu précédemment, le 4 septembre, sous la pression populaire, les républicains modérés ont décrété la fin de l’Empire et proclamé la République. Mais cette décision hautement symbolique ne règle rien, comme on va essayer de l’illustrer au moyen de trois dates : le 7 septembre, le 14 septembre et le 19 septembre.
La proclamation de la République ne règle rien parce que subsistent trois questions qui vont continuer à peser tout au long des mois qui viennent et constituer de fait l’arrière-plan du processus révolutionnaire qui va culminer entre mars 1871 et mai 1871, processus connu comme « la Commune de Paris ». Ces trois questions sont la question sociale, la question patriotique et la question démocratique.
La question sociale tout d’abord. Comme souvent les républicains bourgeois qui viennent de prendre le pouvoir en utilisant la force du mouvement populaire n’entendent absolument pas remettre en cause le fonctionnement du système économique lui-même. On en reparlera ultérieurement.
La question nationale ou patriotique, comme l‘on voudra : à l’origine de la révolte populaire contre l’Empire, il y a le refus de la capitulation face à la Prusse et la volonté de continuer le combat contre l’occupation étrangère. D’ailleurs, au cours des semaines suivantes, la méfiance populaire vis-à-vis des gouvernants va persister et s’accroître. Elle n’épargnera pas les nouveaux dirigeants qui sont soupçonnés d’être incapables d’organiser la résistance ou de ne pas vouloir le faire. L’appréciation que l’on peut porter sur ce que signifie le patriotisme de la classe ouvrière est une grande question. On se limitera ici à trois remarques.
La défense de la patrie qui est au premier plan est directement connectée à la défense de la République et même à la défense de la Révolution. Ainsi, les références à la Révolution française, à la « Patrie en danger », à la « levée en masse » sont nombreuses.
Ensuite, le patriotisme dont il s’agit est un patriotisme ouvert, qui ne s’embarrasse pas d’une conception étroite de la nationalité, des papiers d’identité et autres passeports. Les mêmes qui appellent à la défense de la patrie n’auront aucune difficulté quelques mois plus tard, dans le cadre de la Commune à confier des responsabilités y compris au plus haut niveau à des étrangers. Ainsi, Léo Fränkel, un juif hongrois, sera « ministre du Travail ». Élisabeth Dmitriev, féministe russe, va créer l’Union des femmes et elle combattra sur les barricades de la Commune. Et ce sont des généraux polonais, Jaroslaw Dombrowski et Walery Wroblewski qui organiseront la défense militaire de la Commune.
Enfin, pour les révolutionnaires de l’époque, y compris les plus radicaux, le patriotisme du peuple français n’est pas un problème. Ainsi Michel Bakounine, l’un des fondateurs et théoriciens de l’anarchisme, écrit « il faut que partout le peuple prenne les armes et s’organise lui-même pour commencer contre les Allemands une guerre de destruction ». Car, pour lui, « les ouvriers français incarnent la cause du prolétariat du monde entier, la cause sacrée du socialisme révolutionnaire ».
Troisième question enfin : la question démocratique. Non seulement les républicains modérés n’entendent pas bouleverser l’ordre économique mais, au-delà de la fin de l’Empire qui est une revendication commune avec le mouvement populaire, ils n’ont absolument pas non plus l’intention de jeter les bases d’un système vraiment démocratique. Ainsi, en ce qui concerne Paris, le nouveau gouvernement décide non pas d’organiser des élections mais de nommer, purement et simplement, le Maire de Paris et les maires d’arrondissement.
Le 7 septembre, c’est donc le gouvernement de défense nationale – ainsi que c’est baptisé le nouveau gouvernement – qui nomme les maires d’arrondissement. C’est une première faille dans l’espèce de coalition de fait qui regroupe d’un côté les républicains modérés et bourgeois et, de l’autre, ceux qui incarnent le mouvement populaire parisien. Ces derniers ne s’y trompent pas : ils craignent que, comme cela a souvent été le cas dans le passé - en 1848 par exemple - et comme sera malheureusement souvent le cas à l’avenir, le mouvement d’en bas et le processus révolutionnaire ne soient confisqués par ces « parlementaires escamoteurs de révolution », dont on a déjà parlé à propos du 4 septembre.
Qui sont ces militants radicaux qui veulent incarner le mouvement populaire ? Il y a essentiellement trois sensibilités. D’abord, les républicains : à la différence des républicains bourgeois qui viennent de prendre le pouvoir, ce sont des républicains ayant une conception radicale de la démocratie et dont les références sont les premières années de la Révolution française, les Sans Culottes, les sections parisiennes, la Convention de 1793. La seconde composante, ce sont Blanqui et ses partisans. Après la proclamation de la République, Blanqui crée immédiatement un club et fonde un journal au titre significatif : « La Patrie en danger ». La troisième composante est constituée de ceux que l’on appelle « les Internationaux », c’est-à-dire les membres français – la section française, en quelque sorte – de l’Association internationale des travailleurs qui passera à la postérité sous l’appellation de ‘Première Internationale ». Ce sont les débuts du mouvement ouvrier, le début de l’organisation de celles et ceux qui veulent changer radicalement la société, de ceux qui veulent une autre société différente de la société capitaliste. Ce mouvement possède deux caractéristiques. La première peut sembler étrange par rapport à nos conceptions actuelles : l’Association internationale des travailleurs regroupe des organisations de natures très différentes, comme des partis, des syndicats, des associations, des coopératives, des revues, etc. La seconde caractéristique est évidemment que l’AIT est, d’emblée, une organisation internationale. Les figures les plus connues de cette Internationale sont Karl Marx et Michel Bakounine. En France, l’Association internationale des travailleurs a été persécutée sous l’Empire. En 1870, c’est une organisation de référence, mais une organisation de taille modeste, assez minoritaire, mais capable d’initiative. Ainsi, au soir du 4 septembre, les « Internationaux » – on va les appeler comme ça – ont interpellé le gouvernement en posant des revendications essentielles qui concernent l’organisation d’élections municipales, la suppression des lois liberticides, l’annulation de toutes les condamnations politiques, l’armement des Français et la levée en masse. Ainsi quand le gouvernement décide de nommer les maires d’arrondissement, les Internationaux convoquent une réunion sous forme d’une assemblée des républicains ; les Internationaux précisent « des républicains de bonne volonté, soucieux de participer activement à la défense ». Cette réunion se conclut par la proposition créer des comités de vigilance autour des maires nommés. Dans les jours qui suivent, dans la quasi-totalité des arrondissements, des comités de défense et de vigilance se mettent effectivement en place. Ces comités élisent chacun quatre délégués ; au niveau de l’agglomération parisienne, ces quatre délégués par arrondissement vont constituer le 13 septembre le « Comité Central Républicain des vingt arrondissements ». Selon Prosper-Olivier Lissagaray – dont on reparlera : c’est l’historien de la Commune, la référence sur la Commune, lui-même communard – « ce comité était composé d’ouvriers, d’employés, d’écrivains connus dans le mouvement révolutionnaire ». Pour ces derniers, on pense notamment à Jules Vallès. Ce comité se réunit Place de la Corderie du temple, dans une salle prêtée par l’Internationale et la fédération des chambres syndicales. C’est un évènement très important parce que face aux républicains bourgeois, ce sont les prémisses, l’émergence d’un embryon d’une représentation de la classe ouvrière et des couches populaires. Le 14 septembre, le Comité Central Républicain des vingt arrondissements va publier sa première proclamation qui sera connue par la suite sous l’appellation de « première affiche rouge ». Cette proclamation constitue un véritable programme en quatre points.
Le premier point concerne des mesures de sécurité publique : ce qui est proposé est ni plus ni moins de supprimer la police telle qu’elle existe, de dissoudre tous les corps spéciaux de l’ancienne police centralisée, de faire appel à la garde nationale composée de la totalité des électeurs, de remettre les pouvoirs de police aux mains des municipalités élues et d’appliquer les principes d’élection et de responsabilité aux magistrats.
Le second point est intitulé « subsistance et logement » ; les mesures envisagées sont l’expropriation pour cause d’utilité publique des stocks de denrées alimentaires et de première nécessité. On évoque même l’indemnisation des propriétaires, mais après la fin de la guerre. Il est aussi proposé d’organiser la répartition des stocks entre tous les habitants au moyen d’un système de bons. Enfin est affirmé le principe selon lequel les municipalités seront responsables d’assurer à tout citoyen et à sa famille le logement qui leur est indispensable.
Le troisième point de la proclamation concerne est la défense de Paris. Ce qui est proposé, entre autres choses, est l’élection des chefs de la garde mobile par la troupe elle-même, la distribution des armes à tous les citoyens et l’instauration d’un contrôle populaire sur l’ensemble des décisions qui concernent la défense.
Le quatrième point concerne la défense des départements, au-delà de Paris. Le Comité central républicain propose de décréter la levée en masse et d’envoyer des délégués spéciaux dans les départements pour « stimuler le zèle patriotique » - c’est l’expression employée – et trouver des volontaires pour assurer la défense de Paris. Là encore, on le voit, la référence est la Révolution française, la levée en masse, la Patrie en danger.
La défense de Paris est effectivement l’urgence de l’heure puisque le 19 septembre – c’est la quatrième date annoncée – les troupes prussiennes encerclent la capitale.
C’est le début du siège de Paris.
Épisode 3 : Octobre 1870
Au mois d’Octobre 1870, deux questions continuent à polariser le débat : d’une part la question nationale, la poursuite de la guerre, la résistance à l’occupation – il faut se rappeler que depuis le 19 septembre Paris est assiégé – et d’autre part la question démocratique. La République a été proclamée le 4 septembre, mais quel est son contenu réel ? Si l’on prend l’exemple de Paris, c’est le gouvernement qui a nommé le Maire et les maires d’arrondissement et qui vient de décider de repousser les élections municipales.
Dans les grands évènements de ce début du mois d’Octobre, il y a le 7 octobre : le Ministre de l’intérieur, Léon Gambetta quitte Paris. Comme Paris est assiégé, il part en ballon (une montgolfière). Il devient Ministre de la Guerre, sa mission étant d’organiser de nouvelles armées pour libérer la capitale. L. Gambetta est l’un de ceux qui, au sein du gouvernement de défense nationale, est vraiment attaché à la défense nationale et à la résistance à l’occupation. Ce qui n’est pas le cas de tous les membres du gouvernement. C’est pourquoi cette décision ne suffit pas à calmer les inquiétudes du peuple parisien. Beaucoup, en effet, pensent que le gouvernement est incapable de mener la résistance à l’occupation, voire qu’il est tenté par les négociations et la capitulation.
C’est pourquoi le 5 Octobre, Gustave Flourens – un « républicain rouge » - prend une initiative pour forcer la main du gouvernement afin que celui-ci organiser vraiment la défense : il fait défiler devant l’Hôtel de ville de Paris dix mille hommes en armes qui viennent, pour l’essentiel, du quartier de Belleville. Ces hommes constituent les bataillons de la garde nationale mobile.
C’est l’occasion de dire quelques mots sur la garde mobile qui va jouer un rôle certain dans le déclenchement de la Commune. A l’époque, à la fin du second Empire, l’armée fonctionne selon un mode de conscription et de service militaire. Lorsqu’ils ont l’âge requis, les jeunes hommes sont soumis à un tirage au sort et, selon le résultat de ce tirage au sort, les uns sont affectés à l’armée d’active pour un service militaire qui dure quand même 7 ans et les autres sont affectés à la garde mobile ou garde nationale, qui est une sorte d’armée de réserve organisée sur la base des circonscriptions de l’administration civile. Donc, en pratique, il s’agit de civils : les gardes nationaux vivent à leur domicile ; ils ont des activités professionnelles normales. De temps en temps, ils effectuent des exercices militaires et ils peuvent être mobilisés en cas de nécessité pour seconder l’armée d’active, ce qui est évidemment le cas puisque l’on est en situation de guerre. Leur formation militaire de même que leur armement ne sont naturellement pas du tout de même nature que ceux des soldats intégrés à l’armée d’active. Cela explique notamment que le mouvement populaire revendique périodiquement que la garde nationale soit mieux formée, qu’elle soit mieux armée et qu’elle soit directement associée aux opérations militaires.
Le 8 octobre, ce mouvement se poursuit mais, cette fois, à l’échelon parisien à l’initiative de Belleville et de son leader. Le Comité Central républicain des Vingt arrondissements - que l’on a déjà évoqué et qui constitue un embryon d’instrument de contrôle de la population sur le gouvernement – appelle à manifester pour la tenue d’élections municipales et le maintien des acquis démocratiques de la garde nationale que le gouvernement veut faire disparaître, notamment les mécanismes de contrôle voire d’élection des officiers par la troupe. En fait, la manifestation est un échec. Les participants sont peu nombreux ; le gouvernement garde la main sans problème.
Mais, pour la première fois, dans la manifestation, on entend un slogan qui, par la suite, va devenir très important : « Vive la Commune ! ». Ce slogan correspond à la progression dans les esprits de l’idée de Commune. Mais derrière cette idée, il existe en fait des explications et des conceptions différentes. Derrière la revendication d’une Commune élue – revendication largement partagée par le mouvement populaire – il existe une ambiguïté. S’agit seulement de réclamer l’élection de la Commune au sens de l’élection de la municipalité de Paris ? S’agit-il aussi de mettre en place un contre-pouvoir par rapport au gouvernement ? Par exemple, le Comité Central républicain des Vingt arrondissements réclame « une Commune souveraine, opérant révolutionnairement la défaite de l’ennemi (…) facilitant l’harmonie des intérêts et le gouvernement direct des citoyens par eux-mêmes ». On voit bien là, surtout la fin de la citation, que l’intention va largement au-delà de la simple démocratie municipale. Mais, à ce stade, les choses sont loin d’être tranchées.
Quelques jours après cette déclaration qui ouvrait la voie à la revendication d’auto-organisation – « le gouvernement des citoyens par eux-mêmes » - Comité Central républicain des Vingt arrondissements recule et déclare : « pour ce qui nous concerne, il n’a jamais été question de faire au gouvernement de défense nationale une opposition de parti pris ». Le 8 octobre, jour de la manifestation avortée, il reprécise les choses dans un sens assez municipaliste et fédéraliste : « La Commune de Paris comme tout autre commune doit se contenir sévèrement aux limites de sa propre autonomie. En effet, la vie municipale d’une cité est absolument inviolable. La commune est l’identité politique et l’État ou la Nation n’est que la réunion des communes de France ». Ces conceptions doivent en fait beaucoup à l’influence qui est alors importante d’un penseur du mouvement ouvrier et qui est parfois revendiquées par certains courants anarchistes et qui, par ailleurs, a été abondamment critiqué par Karl Marx : Pierre-Joseph Proudhon.
Mais cette approche de la revendication de Commune n’est pas la seule qui existe : les partisans de Blanqui (dont on a un peu parlé précédemment) et qui sont également influents dans le mouvement ont une toute autre définition de ce qu’est la Commune, de ce que peut être la Commune. On retrouve d’ailleurs cette définition au même moment, c’est-à-dire le 8 octobre, dans « La Patrie en danger », le journal fondé par Blanqui. On y lit : « Pas de malentendu ni d’équivoque ! Il y a commune et… commune, la commune révolutionnaire qui a sauvé la France. Alors le 10 août et en septembre, on fondait la République qui ne fût pas le produit d’une élection régulière, une émanation bourgeoise d’un troupeau qui se rend à l’urne ; elle sortit d’une convulsion suprême comme la lave sort du volcan. La Commune de 1972 était l’illégalité même puisque la loi était encore l’iniquité. Elle fut la force et l’audace, parce qu’elle était de droit. La commune légale, la commune du suffrage régulier siégeait à l’Hôtel de ville. La commune révolutionnaire fût explicitement contre elle ».
Alors, deux commentaires pour en finir avec cette citation un peu longue. D’abord, ainsi qu’on le vérifiera à nouveau, tous les débats et toutes les discussions au sein du mouvement populaire et révolutionnaire, toutes prennent la République française et notamment l’an 02 de la République française comme référence incontournable. Ensuite, on voit ici comment les partisans de la Commune vont être confrontés à une contradiction, une opposition que l’on retrouvera souvent dans l’histoire des révolutions : l’opposition entre pouvoir légal et pouvoir insurrectionnel, entre suffrage régulier et ce qu’ils appellent « la lave qui sort du volcan »…
Fin Octobre vont se produire deux évènements liés à la lutte contre l’occupant, l’un à l’échelon parisien (« l’affaire du Bourget »), l’autre au niveau national (la capitulation de Metz) qui vont provoquer le soulèvement du 31 Octobre.
Épisode 4 : le soulèvement du 31 Octobre 1870
Donc, fin Octobre, deux évènements vont provoquer le soulèvement. Et là, il s’agit d’un soulèvement : ce n’est plus seulement une manifestation ou une démonstration de force, le début d’une insurrection qui mettre en cause l’existence même du gouvernement.
Le 28 Octobre, des francs-tireurs parisiens ont fait une sortie et ont réussi temporairement à s’emparer du Bourget, une commune à quelques kilomètres de Paris. Face à la contre-attaque allemande, ils espèrent que le gouvernement de défense nationale va organiser une sortie massive pour leur permettre de tenir le Bourget. En fait, ce ne sera absolument pas le cas. Et le résultat sera la reprise du Bourget par les Allemands et la mort d’un millier de combattants parisiens. Donc, l’accusation qui monte contre le gouvernement est d’être responsable de la défaite, cette défaite-là. Au même moment, le gouvernement dément les rumeurs selon lesquelles l’armée française dirigée par le Maréchal Bazaine aurait capitulé à Metz, une place forte encore tenue par l’armée française. De fait, ce n’est pas une rumeur… mais un fait que le gouvernement va être obligé de reconnaître le lendemain. Au même moment, le gouvernement envoie Thiers à Versailles, vraisemblablement pour négocier un armistice avec Bismarck. De quoi nourrir encore les accusations populaires de trahison…
C’est tout cela qui est à l’origine de la manifestation, puis du soulèvement, du 31 Octobre. Ce jour-là, petit à petit, la foule parisienne mécontente - cette foule comprend des éléments de la garde nationale – se rassemble devant l’Hôtel de ville. Selon les historiens de l’époque, beaucoup viennent des quartiers populaires de l’Est parisien. Comme on va le voir, il s’agit d’une réaction spontanée sans véritable préparation ni objectif décidé à l’avance. Progressivement, plusieurs vagues de manifestants vont envahir l’Hôtel de ville, qui est alors le siège du gouvernement, l’occuper et, au passage, séquestrer des membres du gouvernement qui sont présents, comme Jules Ferry, Jules Favre ou encore le général Trochu, responsable de l’armement militaire.
Les insurgés se réunissent alors dans la plus grande pagaille, dans les différentes salles où ils vont exprimer des revendications différentes et proposer des listes de noms, des listes variées pour différentes fonctions possibles, sans qu’il y ait accord ni sur les listes de noms, ni sur ce que doivent être les responsabilités de ces personnalités que l’on désigne. Pour les uns , il s’agit d’organiser été de mettre en place une commission qui devra organiser rapidement des élections municipales à Paris. Pour d’autres, c’est de la formation d’un gouvernement dont il s’agit. Un gouvernement qui devrait remplacer le gouvernement actuel, dont une partie des manifestants proclame la déchéance. Et enfin, d’autres encore - c’est une référence à la Révolution française – parlent de la mise en place d’un comité de Salut public.
Dans l’Hôtel de ville en ébullition, il y a à la fois une très grande énergie révolutionnaire – c’est donc très différent du 8 Octobre – il y a beaucoup de monde qui participe à l’action et, en même temps, une énorme désorganisation, une absence complète de direction du processus. Pendant ce temps, les partisans du gouvernement ne restent pas inertes et, en pratique, organisent la contre-offensive pour rétablir son pouvoir.
Pour décrire la fin de cette journée, laissons la parole à Lissagaray, le grand historien de la Commune qui décrit ainsi l’ébullition : « On se perd dans un dédale d’imbroglios. Chaque salle a son gouvernement, ses orateurs. Si noire est la tourmente que, vers 8 heures, des gardes nationaux réactionnaires peuvent sous le nez d’une foule monstre enlever Trochu et Ferry (pour les libérer). D’autres, à côté, emportent Blanqui que des francs-tireurs libèrent immédiatement ». Dans le cabinet du Maire, Arago et ses adjoints convoquent pour le lendemain les électeurs, vers 10 heures. Leur affiche – qui annoncent les élections – est placardée dans Paris. La plupart des bataillons pour la Commune, c’est-à-dire ceux qui sont favorable à la Commune, croyant les élections gagnées, regagnent leurs quartiers.
Jules Ferry – qui a été libéré par d’autres gardes – a mis sa liberté à profit : il a réuni quelques bataillons, essentiellement un bataillon de bretons qui ne comprennent pas le français. A trois heures du matin, le bataillon breton déboule sur l’Hôtel de ville. En gros, c’est la fin de la journée : les derniers ministres encore retenus sont libérés ; les derniers insurgés présents sont dispersés. Lissagaray conclut ainsi le récit de cette journée : « Ainsi s’évanouir en fumée une journée qui aurait pu revivifier la défense. L’incohérence des hommes d’avant-garde (ndlr : les hommes d’avant-garde sont ceux qui ont été à l’origine de l’occupation de l’Hôtel de ville) refusent au gouvernement sa virginité de Septembre. Il exploita cette nuit même, arracha les affiches (ndlr : les affichent qui convoquaient les aux élections pour le lendemain) et accorda les élections municipales pour le 5 novembre, mais les fît payer d’un plébiscite ».
Alors, malgré les promesses qui avaient été faites à la fin de la journée, le gouvernement fait arrêter une dizaine des animateurs des courants révolutionnaires et radicaux. Auguste Blanqui et Gustave Flourens échappent à l’arrestation, mais sont contraints de passer à la clandestinité. Le résultat de cette mobilisation est quand même l’organisation d’un référendum-plébiscite et d’élections. Cela suggère un constat, dont la portée dépasse cette journée d’Octobre 1870 : troquer un rapport de force acquis lors d’un grand moment de mobilisation populaire contre le retour au terrain électoral, en espérant traduire sur ce terrain le rapport de force s’avère un choix extrêmement aléatoire. D’autant que la première échéance est un référendum où c’est le gouvernement qui organise le scrutin et qui choisit la question.
Que va donner ce scrutin ? Venant après la journée du 31 Octobre et l’échec de cette journée, il va sanctionner un reflux. Un reflux certes temporaire, mais indéniablement un reflux du mouvement populaire. La question posée a le mérite de la simplicité : « la population de Paris maintient-elle OUI ou NON les voix du gouvernement de défense nationale ? ». C’est la logique à peu près immuable de tous les plébiscites : moi ou le chaos, le statut quo ou l’aventure. Or ce qu’a montré la journée du 31 Octobre est que la gauche populaire, celle qui veut pousser le mouvement le plus loin possible, a bénéficié d’une dynamique, qui a des capacités de mobilisation non négligeables. Mais cette journée a aussi mis en valeur la dispersion de cette gauche-là, son haut niveau d’improvisation et de désorganisation, son absence de projet et de stratégie bien définie.
Donc, dans ce contexte, le résultat de la consultation qui a finalement lieu le 3 novembre est sans appel : le « OUI » - donc le « Oui » au gouvernement – recueille 321373 suffrages contre 53.584 pour le « NON ». Le scrutin a donc conforté l’autorité du gouvernement de défense nationale et, parallèlement, mis en évidence un certain isolement des révolutionnaires. Quelques jours après, du 5 au 8 Novembre sont organisées les élections municipales parisiennes. Pour les révolutionnaires et le secteur radical du mouvement populaire, les résultats sont meilleurs que ceux du plébiscite. Et pourtant, les deux scrutins se déroulent à quelques jours d’intervalle… Deux arrondissements, le XIX° et le XX° – toujours dans l‘Est parisien – ont élu des municipalités qui sont dirigées par des révolutionnaires. Trois autres arrondissements – les III°, le XI° et le XVIII° ont élu des municipalités dirigées par des républicains radicaux, partisans de la résistance à l’occupation étrangère. Donc beaucoup plus radicaux que le gouvernement central.
Il y a donc globalement le sentiment d’une occasion manquée et une forte déception collective. Mais il y a aussi quelques éléments qui laissent penser qu’un rebond du mouvement populaire est possible…
Épisode 5 : les évènements de janvier 1871
Donc, après l’échec du soulèvement populaire du 31 Octobre, le référendum de début Novembre a conforté le gouvernement. La période suivante qui va de début novembre à mi-janvier est relativement atone, sans évènement spectaculaire. Paris est assiégé, la situation est bloquée. En réalité le gouvernement dit de « défense nationale » voudrait bien négocier avec les Prussiens. Du moins dans sa majorité car, simultanément, il craint les réactions populaires à Paris. En effet, à chaque fois que l’occasion s’est présentée, les Parisiens ont manifesté leur volonté de continuer la lutte jusqu’au bout.
Donc pas d’évènement spectaculaire, mais dans les quartiers parisiens, l’heure est plutôt à la création de clubs politiques, à l’approfondissement des projets et, notamment, du projet de Commune. C’est une idée qui est de plus en plus fréquemment évoquée, à la fis comme une référence à la « Grande Révolution » et, d’autre part, comme une solution aux problèmes de l’heure. Bien sûr, il existe des opinions extrêmement différentes sur ce que devrait être la Commune, sur sa composition et les mesures qu’elle devrait prendre.
Il est intéressant de regarder ce qui se dit à la base, dans les quartiers parisiens. Prenons quelques exemples. Dans le XV° arrondissement, le comité de vigilance affirme : « comme le gouvernement ne sait pas prendre les mesures énergiques qui doivent sauver la France, il faut lui adjoindre des hommes capables de le faire et, donc, élire la Commune ». Au club du passage Raoul, un autre club politique, un citoyen propose « d’exiger la Commune » ainsi que « l’incarcération de tous les fonctionnaires de l’Empire, la révocation de la Préfecture de police et de l’ancienne magistrature en l’envoi en Province de commissaires chargés de réorganiser l’armée ». A Belleville, le club de la rue de Paris a une autre conception encore : « La Commune sera composée de 200 membres pis parmi les révolutionnaires éminents et les socialistes connus pour leur dévouement à la République et pour les services qu’ils auront rendus à la cause du peuple ». Et il ajoute : « ils devront accepter le programme des réunions publiques et un mandat impératif ; ils seront sans cesse révocables ». Mandat impératif et révocation des élus sont des thèmes qui vont effectivement prospérer pendant la Commune.
Rue Lantier, on évoque aussi la Province à travers cette réflexion : « quand nous aurons la Commune de Paris et un diminutif de cette Commune dans les autres villes et villages, alors nous aurons véritablement la République ». Au club Favier, autre définition : « la Commune, c’est le droit du peuple, le rationnement égal, la levée en masse et la punition des traîtres ». Dans le XV° arrondissement, il y a un comité républicain qui, lui, se penche sur la composition de la Commune et ses élus : « Les élus de la Commune doivent avant tout sortir des entrailles du peuple. Assez d’avocats, de journalistes, assez de poètes et de rêveurs ! Il faut une bonne fois que les travailleurs, ceux qui connaissent la vie toutes les misères et les souffrances arrivent à la Commune ».
Au club de la Reine blanche, on se pose le problème des rapports avec l’armée : « La Commune nous débarrassera de la dictature militaire. Elle divisera le commandement entre plusieurs généraux et derrière chacun d’eux, elle placera un commissaire de la République chargé de lui brûler la cervelle en cas de trahison ». Il existe aussi des réflexions sur l’économie. Par exemple, lors d’une réunion à l’Élysée-Montmartre, il y a cette réflexion : « La Commune comme tous les gouvernements du monde aura besoin d’argent. Mais il lui en faudra moins qu’aux autres parce qu’elle aura soin de décréter l’égalité des appointements et des salaires. Mais encore lui en faudra-t-il. Où le prendra-t-elle ? D’abord dans les églises où abondent les ornements d’or et d’argent dont elle fera de la monnaie. Elle confisquera les biens du clergé, des congrégations religieuses, des bonapartistes et des fuyards. Avec le fruit de ces différentes confiscations, elle nourrira le peuple, elle commanditera des associations ouvrières qui remplaceront les patrons, les grandes compagnies et, en particulier, les compagnies de chemin de fer dont elle congédiera les actionnaires, les administrateurs et les autres parasites ».
Donc, on le voit : dans ce calme relatif qui s’est imposé à la fin de l’année 1870, il y a bien une véritable ébullition idéologique et politique. Et bien des idées qui vont ensuite nourrir l’action de la Commune sont en train d’émerger en écho à ce bouillonnement politique. L’Internationale – en fait, l’Association internationale des travailleurs, qui regroupe le courant socialiste, communiste, révolutionnaire du mouvement – publie une longue déclaration dans laquelle elle développe l’ensemble des revendications et propositions notamment en matière de contenu social de mesures à prendre. Cette déclaration se conclut ainsi : « l’avènement de la République est un leurre s’il n’est pas aussi celui de la justice. Nous voulons enfin la terre aux paysans qui la cultivent, la mine aux mineurs qui l’exploitent, l’usine à l’ouvrier qui la fait prospérer. Vive la République universelle, démocratique et sociale ».
Point d’orgue de cette période d’agitation : le 6 janvier 1871, est placardée dans Paris une déclaration qui vient des délégués des vingt arrondissements qui, on l’a vu, constituent la partie la plus radicale et le début d’organisation du mouvement. Cette déclaration est connue par les historiens sous le terme de « deuxième affiche rouge ». L’écrivain Jules Vallès a participé à sa rédaction. C’est une dénonciation féroce de la politique menée par le gouvernement. La fin de la déclaration est explicite : « Si les hommes de l’Hôtel de ville ont encore quelque patriotisme, leur devoir est de se retirer, de laisser le peuple de Paris prendre lui-même soin de sa délivrance. Place à la Commune ! Place au peuple ! »
Cette dénonciation est une sorte d’annonce de la Commune, mais elle n’aura pas de conséquence immédiate. Au-delà de tous ces évènements et de ce bouillonnement idéologique, un élément surdétermine toute la situation : le siège entrepris par les Prussiens, qui bombardent Paris. Il y a des soties de troupes et des affrontements sporadiques se produisent mais sans grands résultats sinon, à chaque fois, des morts. Progressivement, les effets du siège se font sentir, notamment en ce qui concerne la nourriture. Lissagaray, l’historien de la Commune déjà cité, décrit la situation en ces termes : « La faim piquait plus dur, d’heure en heure. La viande de cheval devenait une délicatesse. On dévorait les chiens, les chats et les rats. Les ménagères, au froid et dans la boue du dégel, guettaient des heures entières une ration de naufragé ».
Comme la situation quotidienne s’aggrave et qu’elle apparaît sans issue, la demande d’une offensive pour briser le siège commence à monter en puissance parmi la population parisienne, notamment au sein de la Garde nationale qui est une troupe très intégrée à la population. Le gouvernement, lui, est hostile à cette idée d’offensive. Il estime même que « la Garde nationale ne sera satisfaite que lorsqu’il y aura 10.000 gardes nationaux par terre ». Néanmoins, pour calmer les Parisiens, il déclenche une attaque, le 19 janvier. Dans un premier temps, cela contribue effectivement à desserrer l’étau autour de Paris, essentiellement grâce à l’action des membres de la Garde nationale. Et puis, les généraux décident le repli.
Lissagaray raconte comment cela se passe et comment cela est ressenti : « les généraux qui avaient à peine daigné communiquer avec la Garde nationale déclarèrent qu’elle ne supporterait pas une seconde nuit ». Trochu (ndlr : le dirigeant militaire de Paris) fit évacuer Montretout (ndlr : la colline surplombant Saint-Cloud) et toutes les positions conquises. Des bataillons qui revenaient criaient de rage. Tous comprirent qu’on les avait fait sortir pour les sacrifier ».
Après cet échec qui a fait quand même plusieurs milliers de morts, les rumeurs d’armistice et de capitulation se précisent. C’est dans ces circonstances que le 22 janvier se déroule une manifestation, place de l’Hôtel de ville, pour dénoncer le gouvernement et s’opposer à la capitulation. En pratique, la manifestation prend assez vite un tour insurrectionnel : une partie importante des manifestants est constituée de gardes nationaux qui sont venus avec leurs armes. Des échanges de coups de feu se produisent, puis les gendarmes et les bataillons de l’armée régulière dispersent le rassemblement. Une trentaine de manifestants sont tués. Une vingtaine sont arrêtés. Ils échappent de peu à l’exécution sommaire, mais sont destinés à comparaître devant des tribunaux militaires. Le gouvernement procède à une vague d’arrestations dans les milieux républicains et révolutionnaires. Il décide la fermeture des clubs et l’interdiction de certains journaux comme « Le Réveil » et « Le Combat », qui sont des publications de la mouvance républicaine.
Les évènements s’enchaînent alors assez rapidement. Le 26 janvier, les Prussiens arrêtent le bombardement de Paris. Le 28 janvier, un armistice est annoncé et, dès le lendemain, c’est la capitulation. Les conditions de cette capitulation sont absolument draconiennes : les forteresses qui protègent Paris seront désarmées ; toute l’armée – c’est-à-dire l’armée régulière, pas la Garde nationale - est considérée comme prisonnière. Paris doit payer 200 millions sous quinze jours. Une nouvelle Assemblée nationale doit être élue, également sous quinze jours.
Pourquoi cette obligation d’élire une nouvelle Assemblée nationale ? C’est parce que le gouvernement français n’est pas issu d’une élection : il s’est auto-désigné le soir du 4 septembre 1870, au moment de la proclamation de la République. Quant au Parlement, il a été élu sous l’Empire et sa majorité ne correspond plus à la réalité de l’opinion. De plus, l’Empire est un régime qui a désormais été aboli. Il s’agit donc de constituer une autorité politique qui ait une légitimité suffisante afin de pourvoir entériner la capitulation. Les élections législatives sont fixées au 8 février.
Il faut cependant noter que si l’armée est prisonnière, ce n’est pas le cas de la Garde nationale. Celle-ci a même été autorisée à conserver ses armes.
C’est là élément qui va jouer un grand rôle par la suite.
Épisode 6 : les évènements de février 1871
Parmi les conditions d’armistice et de capitulation, figure l’organisation d’élections pour désigner un nouveau parlement. L’élection va se dérouler le 8 février. A Paris ce que l’on peut appeler la gauche du mouvement, la gauche ouvrière et sociale – l’Association internationale des travailleurs, les chambres fédérales des sociétés ouvrières qui sont des organisations de type syndical, le Comité central républicain des vingt arrondissements – se rassemble et publie un manifeste commun pour soutenir ce que ces organisations appellent « des candidats présentés au nom d’un monde nouveau par le parti des déshérités ». Ce Manifeste précise : « Ces candidatures socialistes révolutionnaires signifient dénégation à qui que ce soit de mettre la République en discussion, affirmation de la nécessité de l’avènement politique des travailleurs, chute de l’oligarchie gouvernementale et de la féodalité industrielle, organisation d’une République qui rendant aux ouvriers leur instrument de travail comme celle de 1792 rendit la terre aux paysans, réalisera la liberté politique par l’égalité sociale ».
Le résultat de l’élection n’est pas exactement à la hauteur des espérances. Quatre députés socialistes révolutionnaires sont élus, dont Guiseppe Garibaldi, un vieux révolutionnaire italien qui n’était même pas candidat. Mais, ce ne sont que 4 députés sur 43 à Paris, même s’il y a aussi des députés républicains élus à Paris. Mais l’élément le plus spectaculaire est évidemment le résultat national, lequel illustre le décalage voire la coupure qui existent entre Paris et la Province. Même s’il vrai que, par la suite, il y aura des Communes dans des villes de Province, l’isolement de Paris va peser très lourd, y compris sur la fin tragique de la Commune de Paris.
Au total, sur 750 députés élus, on dénombre 450 monarchistes, sans compter de nombreux bonapartistes. Autant dire que la France rurale et conservatrice vient de désigner une assemblée particulièrement réactionnaire, totalement aux antipodes de l’effervescence révolutionnaire que l’on a connue à Paris.
Paris est assiégé, mais ce n’est sûrement pas la principale raison pour laquelle l’assemblée qui vient d’être élue ne va pas siéger à Paris… mais à Bordeaux. C’est-à-dire loin, le plus loin possible du Paris populaire et ouvrier. Les députés parisiens, socialistes révolutionnaires ou républicains, doivent donc se rendre à Bordeaux pour siéger. L’historien de la Commune, P-O Lissagaray décrit ainsi l’accueil fait aux malheureux députés parisiens : « quand les échappés de Paris, frémissant encore de patriotisme, les yeux caves mais brillants de foi républicaine, arrivèrent au Grand Théâtre de Bordeaux où l’assemblée se réunit, ils trouvèrent devant eux quarante années de haine affamée, notoriétés des bourgs, châtelains obtus, mousquetaires écervelés, dandys cléricaux, tout un monde insoupçonnés de villes rangées en bataille contre Paris. Paris l’athée, la révolutionnaire qui avait fait trois républiques et bousculé tant de dieux ».
Immédiatement, un premier incident se produit, qui en dit long sur l’ambiance. G. Garibaldi qui porte sa légendaire chemise rouge se lève. Il a simplement l’intention d’annoncer qu’il est certes très honoré du vote des électeurs parisiens qui l’ont élu mais qu’il n’était pas candidat et qu’il ne compte pas siéger à l’assemblée. Avant même d’avoir pu prendre la parole, Garibaldi est insulté ; les hurlements de la majorité réactionnaire couvrent sa voix. Pour protester contre ce traitement Victor Hugo, qui a lui-même élu député à Paris comme républicain modéré, démissionne.
Le 19 février, un nouveau gouvernement est formé, avec Adolphe Thiers à sa tête. Paris est en butte à l’hostilité de la nouvelle assemblée et du nouveau gouvernement. Une autre menace se précise : l’entrée des Prussiens qui entendent marquer le rapport de force et défiler dans Paris. C’est alors que se produit l’évènement fondateur qui, comme souvent dans l’histoire des révolutions, est un évènement totalement imprévu. Jusqu’alors le mouvement populaire a été puissant mais sans direction. En parallèle, il existe des groupes et des sensibilités politiques qui cherchent à donner une représentation et une direction au mouvement : les blanquistes qui sont à l’affût de toute occasion de « prise du pouvoir », l’Association internationale des travailleurs, qui cherche à donner un contenu revendicatif de classe, le Comité central républicain des vingt arrondissements, né des aspirations à la liberté communale pour Paris. Mais ce processus ne débouche pas.
Finalement, l’issue politique va venir de là où ne l’attend pas, c’est-à-dire de la Garde nationale. A la mi-Février, une idée commence à émerger au sein des bataillons de la Garde nationale : donner une organisation de représentation à la Garde nationale, qui de fait constitue le seul cadre existant où se regroupent tous ceux qui veulent poursuivre la lutte et, de fait, mener le mouvement populaire le plus loin possible. Le 15 février, à la salle du Vauxhall, rue de la Douane, une réunion débouche sur la conclusion suivante : il faut fédérer les bataillons. Fédérer est un terme à retenir : le Mur des Fédérés, etc. C’est le terme sous lequel vont ensuite être désignés les Communards : les « Fédérés ». La matérialisation de cette idée sera la création d’une structure : le Comité central de la Garde nationale. La Garde nationale est alors organisée sur une base géographique, par quartiers et par arrondissements. Lors de cette réunion, il y a déjà 18 arrondissements sur 20 qui sont présents. Chaque arrondissement a désigné un représentant qui va siéger dans une commission chargée de rédiger des statuts, les nouveaux statuts de la Fédération de la Garde nationale.
Le 24 Février, nouvelle réunion dans la même salle. Cette fois-ci, il y a 2.000 participants. L’assemblée évoque à nouveau l’élection d’un Comité central de la Garde nationale, sans véritablement aboutir. Par contre, elle adopte plusieurs résolutions. La première, très importante, est l’affirmation que « la Garde nationale ne reconnaît pour chefs que ceux qu’elle a élus. » La seconde est qu’elle promet « de résister au besoin par les armes à toute tentative qui serait faite pour la désarmer ». A l’issue de cette réunion, la foule se rassemble dans un autre lieu symbolique de l’histoire révolutionnaire de Paris : la place de la Bastille. Pour la première fois depuis 1848, le drapeau rouge fait son apparition.
Deux jours plus tard, le 26 février, nouvelle manifestation pour éviter que les canons qui appartiennent à la Garde nationale ne soient livrés aux Prussiens par le gouvernement. La Garde nationale les transporte en un certain nombre d’endroits qui sont les bastions du Paris populaire, le Paris des quartiers de l’Est et du Nord : Montmartre, La Villette, Belleville, la place des Vosges, etc. Le gouvernement envoie des régiments de l’armée régulière pour disperser les manifestants et empêcher que la Garde nationale ne conserve les canons. Mais, assez vite, les soldats fraternisent avec la foule. La prison Sainte-Pélagie est prise d’assaut et l’ensemble des prisonniers politiques sont libérés. Alors qu’il est toujours prévu que les Prussiens défilent dans Paris, ce sont 40.000 hommes de la Garde nationale en armes qui remontent les Champs-Élysées, ce qui constitue une véritable démonstration de force. Cela provoque des discussions au sein des comités et des assemblées sur la possibilité de s’opposer par la force à l’entrée des troupes allemandes. Finalement, cela ne se produira pas, car cela aurait évidemment provoqué un massacre. La décision est prise de se retrancher dans les quartiers de l’Est parisien et de ne pas empêcher l’entrée des Prussiens dans la partie Ouest de Paris. Les Prussiens entrent dans Paris le 1er Mars.
Le 3 mars, nouvelle réunion au Vauxhall : 200 bataillons de la Garde nationale sont représentés. Les statuts sont adoptés et un Comité central provisoire de la Garde nationale est constitué sur la base de 3 représentants par arrondissement, sans distinction de grade, ce qui est évidemment très important. Comme des rumeurs persistantes font état d’un projet de réunir durablement l’assemblée nationale ailleurs qu’à Paris, la réunion affirme que « le département de la Seine se constituera en République indépendante » au cas où l’Assemblée « décapitaliserait » Paris. Durant toute cette période, la presse de Province mène une campagne intense contre Paris et décrit la capitale comme livrée aux pilleurs et aux incendiaires.
Adolphe Thiers et son gouvernement décident alors de nommer comme général de la Garde nationale un général particulièrement brutal et réactionnaire, Daurel de Baladine. Sitôt nommé, celui-ci entend purger la Garde nationale de ses éléments subversifs. Il convoque donc les chefs de bataillon. Sur 260 chefs de bataillon, seulement une trentaine se rend à la convocation. De son côté, le Comité central de la Garde nationale appelle les citoyens à organiser des « cercles » ou des « comités » dans chaque bataillon et à désigner des représentants au Comité central
Pendant ce temps, à Paris, la situation économique et sociale se dégrade considérablement, d’autant que le 10 mars, l’Assemblée nationale vote la fin du moratoire des dettes, des loyers et des effets de commerce. La conséquence est immédiate : ceux qui ont emprunté pour survivre ne peuvent pas rembourser ; ceux qui ne peuvent pas payer leur loyer sont désormais menacés d’être expulsés et jetés à la rue. Thiers vient de réaliser l’unité de toutes les fractions réactionnaires : ceux qui veulent réinstaurer la monarchie - ou l’Empire - mais ne sont pas d’accord sur le candidat monarque. Cet accord est désigné comme le « Pacte de Bordeaux » ; fondé sur une idée simple : il faut d’abord régler la situation parisienne ; après on verra pour ce qui est du rétablissement de la monarchie.
L’Assemblée décide de ne pas revenir à Paris et de s’installer à Versailles. Le gouvernement suspend des journaux républicains tels que « Le Cri du peuple », « Le mot d’ordre », « Le Père Duchesne », « Le Vengeur ». Il ne s’agit pas de petits journaux confidentiels. Comme le précise Lissagaray, ce sont des journaux populaires dont certains tirent à plus de 200.000 exemplaires. Enfin est annoncée la condamnation à mort de plusieurs révolutionnaires, dont Auguste Blanqui et Gustave Flourens. Ce sont autant de préparatifs pour une confrontation, une épreuve de force.
Cette épreuve de force va se produire le 18 mars, à propos du contrôle des canons de la Garde nationale. C’est le début de la Commune de Paris.
(à suivre...)