La fin du vote utile, nouveau désastre pour la direction socialiste
Pour le gouvernement et le PS, chaque jour amène son lot de déconvenues. Son absence de plus en plus probable au second tour de 2017 le prive de l’argument du vote utile. Et renforce l’urgence d’un rassemblement autour d’une alternative progressiste.
La présence du FN au second tour de l’élection présidentielle de 2017 est désormais un fait acté par tous, à gauche comme à droite. Dans l’opposition parlementaire, l’extrême faiblesse du PS et la certitude d’être élu face à Marine Le Pen aiguise tous les appétits : Bayrou, Juppé, Fillon, Le Maire, Sarkozy, la liste est déjà longue de candidats déclarés ou putatifs. Face à cette profonde division, doublée d’une absence de projet, François Hollande a espéré pouvoir réitérer "l’exploit" de Chirac, son seul vrai mentor, en 2002 : être le président carbonisé, qui envers et contre toute attente est réélu pour un second mandat.
2017 : une lutte à mort entre le PS, l’UMP et le FN
Ce "projet" politique de piètre envergure, il l’a exprimé sans ambages. Et dès la nomination de Jean-Christophe Cambadèlis au poste de premier secrétaire provisoire du PS, celui-ci a annoncé la couleur sans détour. Dans une interview au quotidien Le Monde du 29 avril, à la question, « Vous annoncez une lutte à mort en 2017 entre le PS, l’UMP et le FN ? », il répondait : « Oui, car l’un d’entre eux ne sera pas au second tour de la présidentielle et cela conduira dans les trois cas à un séisme politique. (…). Si c’est l’UMP, le choc sera terrible et le débat féroce entre ceux qui voudront se rapprocher de Marine Le Pen et les autres. Si c’est le PS, avec un président sortant, les tensions que nous vivons aujourd’hui autour du plan d’économies seront démultipliées et comme il reste encore dans le pays une force radicale à gauche, le PS se retrouvera dans la même situation que la SFIO moribonde. »
Le piège est connu, sa mécanique bien huilée : seul le PS est en capacité de se qualifier au second tour. Or il est menacé, voter pour d’autres au premier tour c’est donc prendre le risque d’un affrontement droite-extrême droite. En 2007, le spectre d’une absence de la gauche avait été agité à tous vent, avec une réelle efficacité laminant toutes les autres candidatures.
L’épuisement absolu de la Ve République
Le sondage publié le 7 septembre par le Journal du dimanche fait voler en éclat cette ultime perspective : François Hollande serait largement battu au second tour de la présidentielle par Marine Le Pen, à 46% contre 54%. Bien sûr, il ne s’agit que d’un sondage et 2017 est encore un horizon lointain. Mais tout cela est cohérent avec les autres indicateurs : 13% de popularité pour François Hollande, 85% de français qui ne souhaitent pas sa candidature en 2017, et une situation économique et sociale qui devrait poursuivre sa dégradation dans les mois à venir. L’hypothèse d’un éventuel rebond apparaît, dès lors, totalement illusoire.
Ce coup de tonnerre, s’il est confirmé par les prochaines études, devrait considérablement redistribuer les cartes au sein de la gauche. Privé de l’argument "vote utile", le seul qu’il lui restait, mais ô combien efficace, le Parti socialiste devrait poursuivre et amplifier sa descente aux enfers. Un scénario du type Pasok (ou SFIO, qui avait terminé à 5% à la présidentielle de 1969) est désormais le plus probable. Cette situation ne devrait pas être sans conséquences au sein même de l’appareil du PS. Déjà assurés de nouvelles déroutes aux prochaines élections sénatoriales, territoriales et régionales, les élus socialistes renâclent. Si, en plus, 2017 devient une chimère, il n’y a plus guère de raisons d’aller à l’abattoir tel un mouton de Panurge.
L’explosion en vol du parti de la majorité serait inédite, mais il faut prendre acte du constat d’épuisement absolu des institutions de la Ve République. Tout est désormais possible. Pour autant, s’il ne s’agit que d’une tentative désespérée pour sauver l’appareil, il n’y aura pas d’issue. Sans aggiornamentosur les raisons profondes qui ont conduit à un tel désastre, tout bricolage sera vain. Existe-t-il, le personnel au sein du PS pour conduire une telle mutation ? C’est toute la question.
Les voies d’un rassemblement
La comparaison avec la situation grecque s’arrête cependant là. S’il y a bien tous les signes d’un effondrement du PS, l’émergence d’une solution progressiste de type Syriza est en revanche inexistante, au mieux balbutiante. De toute évidence, il y a une responsabilité majeure pour toutes les forces à gauche qui ne se résignent pas au tournant libéral du couple exécutif et en premier lieu pour le Front de gauche.
Trouver les voies d’un rassemblement dans la clarté est l’enjeu de la période. Dans la clarté, cela suppose notamment que le PCF affirme clairement que les conditions pour des alliances avec le PS ne sont durablement pas réunies. À cette étape, il n’y arrive pas. Reconstruire un mouvement capable de porter un projet émancipateur ne peut se résumer à réunir une série d’organisations existantes. On ne fait pas du neuf qu’avec du vieux, mais on ne crée pas non plus ex nihilo. Il n’y aura d’alternative que dans le rassemblement de forces sociales, politiques et associatives combiné à l’irruption d’un mouvement de masse. Nul ne peut prétendre hégémoniser seul ce champ politique, et encore moins en s’affranchissant de toute médiation politique. C’est pourtant le chemin que semble prendre le Parti de gauche avec ses collectifs pour la VI° République.
La situation actuelle est par trop instable, des bouleversements majeurs sont inscrits dans les coordonnées générales de la situation politique et sociale de ce pays. L’issue progressiste ou autoritaire de ces modifications n’est pas écrite. Un rassemblement qui, tout à la fois, romprait avec les politiques libérales, intégrerait au cœur même de son projet le paradigme écologiste, et qui proposerait une perspective démocratique chamboulant de fond en comble les institutions de la Ve serait un formidable encouragement pour une mobilisation populaire. Certes, ce n’est pas fait, mais c’est possible.
Guillaume Liégard. Publié sur le site de Regards.