La « réforme de l’indemnisation chômage », un combat gagnable

Macron cet inconnu
L’ensemble des dispositifs techniques visant à supprimer l’assurance chômage et la remplacer par un système étatisé n’est pas encore connu. Trop de difficultés apparaissent comme le montre bien le rapport de l’IGAS et de l’IGF demandé par le gouvernement pour « ouvrir l’assurance chômage aux indépendants ».
Toutefois les principes fondamentaux de cette « réforme », et les principaux outils pour transformer radicalement ce dispositif de protection sociale , sont connus depuis la publication par le gouvernement le mardi 6 juin de son "Programme de travail pour rénover notre modèle social". Un document transmis aux partenaires sociaux et qui fixe la feuille de route pour réformer le code du travail et lancer les autres chantiers dont l'assurance chômage universelle et la réforme des retraites.« Les trente dernières années ont modifié en profondeur[...] …] créant en même temps de nouvelles difficultés économiques et sociales qui appellent des réponses innovantes. […] L’accélération de l’internationalisation des échanges, les mutations technologiques massives, l’individualisation croissante du rapport au travail appellent et exigent de rénover en profondeur notre modèle économique et social, pour mieux soutenir et protéger les personnes et libérer les énergies individuelles et collectives de notre pays. »
Les modifications sont, disent ils, rendues nécessaire par les transformations du mode de production au sens large – mondialisation, changement technologiques- sur lesquelles il nous faut répondre. Mais cette rénovation s ‘appuie aussi aussi sur les modifications du rapport au travail, façon de « récupérer » certaines aspirations d’une grande partie du salariat à l’autonomie. C’est cet amalgame entre les modifications du capitalisme et la demande d’individuation dans le salariat qu’il faut dénoncer non par des slogans dénonciateurs de « l’escroquerie libérale » mais par la mise en avant de propositions et de principes différents qui prennent aussi en compte ces aspirations.
Une grande partie de la gauche a sous-estimé la phénomène Macron, considéré longtemps comme une « bulle médiatique », qui n’irait pas jusqu’aux élections présidentielle, puis qui pouvait être mis en échec aux législatives. Un fois le gouvernement mis en place, une certaine paresse intellectuelle a fait préférer une dénonciation globale, un procès en continuité libérale avec ses prédécesseurs en misant sur un rejet global et populaire de ce libéralisme par 99 % de la population.
Enfermé dans la logique d’un pouvoir faible, peu légitime et facile à dénoncer la gauche politique et syndicale s’est lancée dans un stratégie de mobilisation sans mesurer les difficultés nouvelles liées à la mise entre parenthèses des luttes sociales pendant une longue année électorale. L’hégémonie « culturelle » et le système de domination politique que construisait le nouveau bloc bourgeois n’ont pas été analysées.
Bien sûr Macron, et son équipe font montre d’une morgue de classe, d’un mépris de celles et ceux qui ne réussissent pas avec une fonction ; démoraliser, décourager les cercles militant-e-s, ancrer dans le débat public l’idée qu’il n’y pas autre chose à faire que ce que fait le gouvernement. Mais cet aspect insupportable de la contre révolution libérale paraît se dissoudre dans l’absence d’alternative : trop souvent les oppositions se limitent, se censurent, se déradicalisent, elles se situent sur la défense des acquis, perçue comme défense d’un passé qui n’appartient qu’à des fractions de classe dépassées. Les forces de la gauche surtout celles de la gauche dite radicale ne veulent pas assez prendre en compte les modifications de « l’environnement économique et social dans lequel évoluent les entreprises, les salariés, les demandeurs d’emploi et plus largement tous les actifs » depuis une trentaine d’années. Alors le discours social de Macron sur les chômeurs est réduit à un simple voile idéologique qu’une contre-propagande vigoureuse peut combattre. Il y a là méconnaissance d’une stratégie d’hégémonie culturelle auprès de fractions du salariat : Macron s’appuie sur certaines aspirations qui ne reçoivent pas de réponses anticapitalistes, radicales à la hauteur de ce que ces aspirations expriment.
Macron l’ami des chômeurs ?
La question du chômage occupe une place stratégique centrale dans le plan de Macron de « rénovation en profondeur de notre modèle social ».
Les libéraux ont souvent utilisé l’argument de la lutte contre le chômage pour justifier la baisse des droits sociaux, opposant droit du travail et emploi. Dans une interview aux Echos en mars 2016, Macron reprend cette thématique déjà vieille id’un consensus social entre le patronat et le salariat en emploi (qui reste encore largement majoritaire, autour de 80 % des emplois contre 20 % d’emplois précaires ) pour sacrifier les chômeurs. La fondation Terra Nova -dont certains cadres font partie des conseillers de Macron- écrivait même : « le droit social protège essentiellement ceux qui sont installés dans l'emploi, mais en les paupérisant par ses effets sur le dynamisme économique, et il renforce le nombre et la détresse des plus précarisés et de ceux qui attendent aux portes de l'emploi ou cherchent à s'y réinsérer ». Dans l’interview aux Echos Macron dit plus sobrement « En France, on a longtemps vécu sur un accord implicite échangeant hyper-protection pour les insiders et hyper-précarité pour les outsiders, souvent livrés à eux-mêmes ».
Macron sait pertinemment que mouvement syndical est affaibli, que la question du chômage est pour le syndicalisme un angle mort au delà de pétitions de principe : il sait aussi que le mouvement syndical soit n’apporte qu’un soutien limité au organisations de chômeurs (et en particulier le soutien logistique indispensable), soit il apparaît comme le défenseur des réactions des salarié-e-s contre les chômeurs-euse-s et précaires : il suffit de se souvenir des positions de la CFDT contre les intermittents du spectacle. Tout ceci créé des contradictions au sein du salariat sur lesquelles s’appuie la stratégie macronienne . Combien parmi les chômeurs et les précaires sont prêts à entendre le discours modernisateur qui vise à leur redonner l’espoir « Protéger les gens, ce n'est pas leur promettre une société qui n'existe plus, un modèle qui est fragilisé. Ce n'est pas de mettre des digues face à la mer. […] La responsabilité d'un homme politique, c'est de donner aux individus la possibilité de réussir, dans un environnement où le modèle ne sera plus un CDI toute la vie dans la même entreprise, modèle sur lequel est fondé notre droit du travail depuis 1945. Ce sera de plus en plus une exception... »( interview au Echos). Car en face la réponse ne se manifeste que sous forme de luttes défensives contre les licenciements qui perdent les une après les autres : les syndicats apparaissent impuissants contre la casse sociale et n’ont pas de projet de rechange.
Sur la précarité – que Macron distingue du chômage qui est réduit à l’absence totale d’emploi- le discours est en forme de récupération des aspirations à l’autonomie, à la liberté de nombreux-ses salarié-e-s. Dans de nouvelles catégories du salariat la flexibilité ou la flexisécurité est une demande qui remplace les pratiques anciennes de mobilité professionnelle bloquées par le développement du chômage de masse. Elle est aussi le refus de la subordination, des conséquences de la souffrance au travail, du sentiment de dépossession de soi dans l’organisation du travail qui rend audible l’argumentation de Macron : « reconnaître la multiplicité des choix possibles dans une société. Il ne faut pas réduire les opportunités, mais les multiplier. ». Dès lors le projet de Macron ne saurait être réduit à un vague camouflage idéologique d’une politique libérale mais plutôt à la construction d’une acceptation de cette politique. La dimension sociale est présente dans le discours associée à la modernisation
Il me semble important de répondre à Macron et de ne pas considérer que ce qu'il dit est sans importance parce qu'il est un valet du Capital. Si nous ne sommes pas capable de mener le débat, de démonter son argumentation et de proposer autre chose, nous risquons fort de perdre les batailles politiques qui se préparent, à commencer par la future loi sur le chômage, l’apprentissage et la formation prévue pour la fin de l’été 2018. Pourtant ce délai nous laisse le temps de mener une contre offensive idéologique sur le fond. Ne voir dans cette loi que des dispositions techniques c’est laisser l’ennemi de classe franchir un pas important dans la remise en cause les solidarités à travers une offensive sur les bases culturelles de la protection sociale : les droits contre le marché, l’égalité, la participation de chacun-e selon ses capacité pour répondre aux besoins de tous et toutes.
Enfin une loi sociale ?
C’est ce qu’on voudrait croire à la lecture du titre de cette loi « visant à la création de nouvelles libertés et nouvelles protections professionnelles ».
C’est aussi la présentation qui en est faite dans la feuille de route qui fixe les orientations de la réforme de l’apprentissage, de la formation professionnelle et de l’assurance chômage. Car la réforme de l’indemnisation chômage est toujours appelée assurance dans le texte bien que le libellé ambitieux montre bien que nous sommes au delà de la notion d’assurance au sens strict de protection contre un risque. Une loi unique qui traite aussi de la formation et de l’apprentissage indique que pour le pouvoir il ne s’agit pas de réparer les dégâts du système mais de permettre d’accompagner des changements inévitables , quasi obligatoires et qui vont dans le sens du progrès voir dans le sens de l’histoire. Nous nous trouvons là encore dans un discours sur la « modernité heureuse » puisqu’elle devrait, permettre que « la France maintienne ou retrouve sa place en haut de la chaîne de valeur de la mondialisation » (feuille de route).
Voilà le discours auquel nous sommes confrontés qui bien se construit sur « l’oubli » de la domination capitaliste et de la division entre ceux qui possèdent les moyens de production et ceux qui n’ont à vendre que leur force de travail . Le système capitaliste et ses rapports de production disparaissent derrière le caractère naturel de l’économie avec rappel la vocation « progressiste » du Capital.
Pour effacer l’image de gouvernement des riches, la feuille de route fixe 3 objectifs qui semblent bien accréditer l’idée d’un contenu progressiste :
- donner à chacun plus de liberté professionnelle liberté de choisir un métier correspondant à ses aspirations, liberté de changer d’entreprise : on retrouve là des accents proches de la déclaration de Philadelphie un travail « où ils [les salarié-e-s] aient la satisfaction de donner toute la mesure de leur habileté et de leurs connaissances et de contribuer le mieux au bien-être commun » (déclaration de l'organisation internationale du travail 1944) »
- donner à chacun plus de protection pour s’insérer et évoluer sur le marché du travail
- permettre à tous de s’adapter aux mutations technologiques et de progresser en compétences
Que la terminologie employée « marché du travail, compétences » soit typique des discours patronaux est une évidence pour ceux qui ont l’habitude de décrypter la novlangue libérale. La forme générale du discours est de répondre aux demandes sociales de sécurisation et de liberté.
Nous avons affaire à une vision du monde largement différente des discours réactionnaires de la droite classique du Capital : Thatcher Reagan , Sarkozy
Cette dimension moderniste-progressiste (au sens animée par l’idée de progrès) doit être prise en compte si l’on veut mener une lutte contre Macron car elle vise à neutraliser des fractions du salariat par le brouillage des repères entre salariés et les indépendants.C’est bien précisément pourquoi ce qui est prévu en matière d’indemnisation chômage en élargissant à des non salariés cette indemnisation est un élément central de la stratégie de décomposition du compromis social issu de la Libération et développé sous le fordisme par les luttes.
A une vison de la société qui sous tend ce projet nous ne pouvons qu’opposer une autre vision de la société qui porte à la fois sur des dispositions concrètes qui répondent aux évolutions du salariat et de ses aspirations et sur un projet plus global de société fondé sur la solidarité, le refus des inégalités (particulièrement celle qui rend des gens « surnuméraire et inutiles au monde ») mais aussi sur l’exigence démocratique qui conduit à exproprier les actionnaires qui jusqu’à aujourd’hui décident pour eux seuls.
Quelles cibles se fixer pour lutter contre cette régression sociale qui nous organise la lutte de touts contre tous ? Pour cela examinons les axes principaux de la loi même si le détail des mesures ne nous est pas encore accessible.
Étatiser l’indemnisation du chômage
A priori ce renforcement du rôle de l’Etat paraît incompatible avec la doxa libérale. Pour un gouvernement qui prône le dialogue social et la négociation comme nouvelle forme d’élaboration de normes dans le domaine des relations de travail est il cohérent de mettre en cause un système paritaire de gestion de l’assurance chômage ?
Les justifications en termes de gestion et de la part de l’Etat en termes de financement ont été avancées avec en premier lieu le déficit de l’UNEDIC, qui, comme « trou de la sécu » est bien utile pour justifier les politiques d’austérité. Or la situation financière de l’UNEDIC est loin d’être catastrophique « la dette ne fait pas peser un risque majeur sur l’équilibre financier du régime » déclarent avec une belle unanimité les organisations syndicales et patronales dans un récent document « socle de réflexion pour une concertation utile ». Une moitié de la dette est le résultat de la crise de 2008 qui devrait être compensée par les futurs excédents, une autre partie est liée aux décisions des pouvoirs publics (financement de Pole Emploi, règles européennes sur l’indemnisation des frontaliers...) mais aussi toutes les politiques de dépenses dites actives qui « facilitent » les retours à l’emploi par des aides diverses.
Ce choix d’étatiser relève d’une volonté politique de contrôler l’indemnisation du chômage plutôt que d’en améliorer la gestion, de soumettre l’indemnisation à la décision politique, le vote par le parlement d’une loi encadrant recettes et dépenses du type LFSS (lois sur le financement de la sécu) dans le cadre général des politiques publiques de l’emploi. C’ est dit dans la feuille de route « il doit évoluer d’un régime d’assurance à un régime de protection permettant d’accompagner la mobilité professionnelle ». Il ne s’agit plus comme à l’origine d’assurer la sécurisation des salariés contre les aléa de la situation économique et/ou les conséquences des choix des capitalistes mais d’accompagner celles et ceux qui veulent ou sont obligés de changer d’emploi.
Dès lors le remplacement des cotisations des salariés par la CSG prend un sens tout à fait précis: sortir d’un système d’assurance contre les risques de perte d’emploi pour contribuer au budget du ministère du travail pour les politiques de traitement du chômage : l’imposition de la CSG-chômage aux retraités qui n’ont pas à se garantir pour le risque de perte d’emploi est particulièrement significatif. La suppression de la cotisation salariale justifie aussi l’éviction des syndicats de salariés de la gestion du chômage.
Dans un interview aux Echos en février Macron expose clairement que la philosophie du changement envisagé : Il s’agit de sortir d’un système assurentiel où chacun se dit « j’ai cotisé, j’ai donc droit à être indemnisé ».
Il sera lors de la compétence de l’Etat de fixer le montant de l’allocation (et sans lien direct avec le salaire (puisque c’est la cotisation qui fonde ce lien), d’en fixer aussi les conditions d’attributions. Les organisations syndicales seront réduites à un rôle de caution démocratique et à des tâches limitées comme aujourd’hui dans les caisse de Sécu. Le fonctionnement de l’allocation d’État déjà versée aujourd’hui qu’est l’ASS a de quoi inquiéter chomeur-euse-s présenet-e-s et futur-e-s : le passage d’un droit à une aide sociale conditionnée 1 Les autres principes de la loi prévue viennent renforcer ces craintes
L’ abolition du salariat par la protection universelle contre le chômage ?
C’est la grande avancée sociale vendue par la majorité : « c’est un progrès social que de l’organiser » nous dit la feuille de route. Il convient d’examiner ces propositions de très près car ce sont aussi des réponses aux « zones grises » existant aujourd’hui entre le salariat et des statuts juridiquement indépendants et tout le monde a en tête le système Ube et ses semblables. Il s’agit aussi de faire œuvre de justice et de droit à la mobilité en assurant l’indemnisation des démissions.
Sur ce dernier point, le texte des partenaires sociaux de l’UNEDIC indique bien que si le caractère involontaire de la perte d’emploi est la condition fixée par le code du travail (art L 5422-1), il reste possible d’indemniser les démissions : ceci pourrait être étendu dans le cadre actuel. Nous devons défendre ce droit à la mobilité parce que c’est une demande chez nombre de salariés et parce que c’est un outil d’émancipation par rapport au la relation de subordination. Les propositions de salaire à vie, de sécurité sociale professionnelle, d’un statut par delà le lien avec une entreprise, le nouveau régime des intermittents vont dans ce sens. Tous reposent sur l’accroissement de la liberté du ou de la salariée . A l’inverse, la proposition de Macron peut être un recul social réel pour certains démissionnaires ( avec une seule indemnisation par période de 5 ou 7 ans), mais surtout elle instaure une condition d’indemnisation : le projet professionnel. Ainsi un cadre qui veut créer sa boite peut être indemnisé sur la base de son projet quand celui ou celle qui – par souffrance au travail- laisse tomber ne le sera pas. On ne saurait mieux exprimer le fond de la pensée sociale macroniste « tout pour les gagnants et malheur aux vaincus ».
Le projet vise à étendre l’indemnisation à des non-salariés aux indépendants. La rapport de l’IGF et de l’IGAS montre toute la difficultés d’une telle extension (sans parler de son coût) .
La notion juridique d’indépendant recouvre des positions sociales totalement hétérogènes : qu’y a t’il de commun entre un coursier à vélo autoentrepreneur mais dépendant économiquement de sa plate- forme et un radiologue libéral ou un avocat d’affaire ?.
La croissance de ces travailleurs indépendants est liée au développement de formes nouvelles d’externalisation des entreprises. Il serait possible d’étendre la protection de ces non salariés par une extension du code du travail qui pourrait couvrir ces formes de sous traitance individualisées : il suffirait de d’étendre la notion de subordination à la dépendance économique : c’est d’ailleurs ce à quoi le rapport IGF-IGAS cherche une solution en proposant le droit à l’indemnisation pour « répondre au défis de la dépendance économique à l’égard d’un donneur d’ordre ». Concernant les uber et autres plate-formes, une piste nous est offerte par le récent jugement de la Cour de justice de l’union européenne qui requalifie Uber comme entreprise de transport .
En étendant la protection chômage aux travailleurs indépendants, Macron rend acceptable les sous-statuts évoqués ci dessus : puisqu’il seront mieux protégés, ils seront moins contestés et socialement plus acceptables ;
L’universalisation de la protection contre le chômage qui reste l’objectif va bien plus loin que cette soustraction de travailleurs au statut de salariés, soustraction qui reste limitée en nombre même si l’effet est parfois très importants. 2
Cette universalisation remet en cause la distinction fondamentale entre ceux qui possèdent les moyens de production et qui décident des choix économiques pour l’entreprise et celles et ceux qui leur sont subordonnés par la vente contrainte de leur force de travail, distinction qui était inscrite dans le compromis social fordiste.
« La perte d’emploi involontaire des travailleurs indépendants est délicate à caractériser , en raison du contrôle qu’exerce par définition les travailleurs indépendants sur leur propre activité » dit l’IGF-IGAS. A contrario la reconnaissance du chômage pour le indépendants oblige à considérer comme négligeable cette dimension de contrôle de l’activité et de noyer le salariat dans un peuple travailleur indifférencié en niant la dimension du rapport social de domination des actionnaires sur les salariés. Il s’agit là d’une tout autre dimension, d’une vision de la société où les rapports de production capitalistes, donc le salariat, disparaissent. Mais plutôt que l’abolition du salariat – objectif historique du mouvement ouvrier- nous avons affaire à l’abolition du statut du salariat issu de l’État social .
Le rapport IGF-IGAS ne le présente pas comme un objectif « opérationnel à court terme » l’extension de la protection chômage à tous les actifs suppose « une remise en cause de la logique d’ensemble de l’assurance chômage voire de la protection sociale […] il peut néanmoins constituer un horizon de moyen terme » Les disposition prise cette années sont alors des étapes dans la pour suite de l’objectif universalisation.
Face à un tel projet la défense des « acquis » de l’UNEDIC ne peut constituer une réponse : pour nombre de chômeurs ce sont bien les gestionnaires de l’UNEDIC qui portent la responsabilité de la dégradation de leur situation. Plus que jamais nous ne devons nous laisser enfermer dans un débat technique dont nos adversaires fixent le cadre. Il nous faut opposer au projet de transformation sociale libérale un projet d’émancipation – projet de libération des travailleuses te des travailleurs-dont nous pouvons tirer des mesures concrètes immédiates organisant la transition rapide vers l’abolition du chômage par une sécurisation des parcours professionnels pour toutes et tous.
Ce d’autant plus que Macron fait un pas de plus vers un chômage géré de façon de plus en plus dure, brutale ce qui n'est pas rien qaund on connait déjà la violence qui se manifeste aujourd'hui dans la maltraitance des chômeurs.
La carotte formation cache le bâton du contrôle
Faire de l’absence (ou de l’inadéquation) de la formation une des cause du chômage n’est pas une nouveauté. Depuis longtemps le MEDEF se plaint des milliers, centaines de milliers d’emplois qui ne trouveraient pas preneurs de ce fait. Récemment Pole Emploi a fort opportunément sorti un chiffrage entre 200 et 330 000 recrutements oabandonnées faute de candidats. Peu importe les analyses plus poussées ce phénomène sur ces 10 % des offres, on ne garde que l’idée d’une inadéquation entre « l’offre » des chômeurs et la « demande » des entreprises sur le marché du travail sans interroger le contenu Après élimination des changement de projets d’embauche des employeurs et des démarches en cours il en reste qu’environ 5 % de demandes insatisfaites et surtout dans les TPE. On voit donc bien que l’absence de qualification n’est pas la cause du chômage, par contre elle permet de rendre le chômeur responsable de son état.
L’accent quasi exclusif mis sur la formation trouve sa source dans le discours général de « modernisation heureuse » de Macron. En rupture avec la vision décliniste de la droite la plus dure, Macron propose une insertion positive dans la mondialisation où la France peut retrouver une place de choix.
Répondant aux besoins de main d’œuvre qualifiée des secteurs les plus mondialisés, la formation est présentée comme la solution ce qui permet une perspective gagnant- gagnant : ceci permet de rallier des catégorie salariée à un tel projet.
Du coup, la formation devient un sorte d’obligation citoyenne et ne pas répondre à l’injonction de formation un quasi délit qui appelle sanction.
Peu importe que cette démarche occulte le pouvoir donné au Capital sur la définition de la formation, des besoins de formation, aujourd’hui très largement axée sur les besoins immédiats des entreprises sans se poser la question de celle à fournir pour permettre une mobilité que l’on prône par ailleurs.
Peu importe que cette démarche ne fait qu’accoutre les inégalités : cette démarche peut profiter aux salariés qui déjà bénéficient le plus de formation, de capital culturel , des outils pour profiter au maximum des liberté offertes. Mais pour celles et ceux qui ont déjà des difficultés à faire valoir leurs droits, celles et ceux qui sont déjà victimes de l’inégalité devant l’accès aux droits, un dispositif de formation obligatoire risque de se transformer en machine à exclure.
Macron se propose d’accentuer encore l’insécurité des chômeurs grâce à un dispositif de contrôle largement développé avec un nombre de contrôleurs multiplié par 10. Il ne s’agit pas là de faire des économies, les derniers rapports sur le contrôle montre que c’est négligeable. Il s’agit de faire peur, de contraindre encore plus les chômeurs. Des sanctions (peut être moins lourdes mais plus fréquentes) sont prévues pour des délits de non réponse à des offres d’emploi "raisonnables" .Le flou qui entoure cette notion contestable permet tout et n’importe quoi, surtout de masquer l’absence d’emplois offerts.
Il n’est nulle part question de supprimer le chômage qui reste une composante essentielle de la gestion capitaliste de la main d’œuvre et le projet de Macron se réduit à réduire le chômage statistique de 2 points.
Une fort volant de chômage doit permettre de jouer le rôle de réservoir de main d’œuvre avec la fonction classique de pression sur les coûts. A cette dimension il faut rajouter la fonction "terrorisante" joué par la peur du chômage surles salariés pourpermettre l’acceptation de la subordination salariale. Dans des entreprise où le management et la compétitivité individuelle ont remplacé le traditionnel despotisme de fabrique de la grande industrie pour assurer l’autorité du capital sur l’organisation de la production, le chômage, comme peur de tomber au bas de l’échelle sociale, joue un rôle central pour créer de travail contraint.
Les formes les plus dégradées d’emploi de la précarisation au travail indécent deviennent « inévitables » et sont acceptées.
Si nous n’avons pas pour objectif le processus de libération du travail, nous laissons cette aspiration -bien présente dans la société- aux réponses libérales et aux solutions individuelles contre une approche collective pour garantir à toutes et tous cette liberté. Là encore toute prudence, toute concession au réalisme économique nous conduit à renoncer à porter le débat sur des solutions pour mettre fin au chômage : nous avons abandonné la réduction du temps de travail comme réponse en terme d’emploi, de qualité de vie au travail et dans la société, nous avons abandonné l’exigence d’une sécurisation collective et solidaire des parcours professionnel, il serait temps de s’organiser pour les remettre dans le débat public. La victoire idéologique de nos adversaires sur ces terrains a produit notre autocensure, la réduction sans cesse croissante des exigences des réseaux miltants : il est plus que temps d’en finir avec cela.
Le gouvernement face à des contradictions
Il va se heurter à de multiples problèmes pour la mise en œuvre de cette réforme qui peut gripper la mécanique du rouleau compresseur macronien. La force de Macron est de continuer à mettre en place son projet coûte que coûte, au mépris de la « démocratie sondagière ». La perte dans les sondages a souvent été analysée comme faiblesse. Au contraire une pause face à l’opinion affaiblirait le gouvernement : le passage en force est un outil pour démoraliser l’adversaire. Nous avons trop dit pour mobiliser que mettre en échec les ordonnances était "décisif" pour ne pas aujourd’hui payer au prix fort du découragement la promulgation de ces ordonnances. Nous n’avons pas assez dit que le plan politique de transformation libérale se jouait sur 18 mois au moins.
Or dans les mois qui viennent Macron et Philippe vont être confrontés à de multiples contradictions qu’il vont avoir quelque mal à gérer.
Le projet d’universalisation de la protection est au cœur du programme des transformations libérales de la relation salariale, il est nécessaire à la réussite de celui ci. Mais ce n'est pas si simple à mettre en place.
Tout d’abord des difficultés techniques sont importantes. Le rapport IGF-IGAS -déjà largement évoqué- s’en fait l’écho tout au long de ses 500 pages. Macron – dans son activisme et son volontarisme politique- semble avoir sous-estimé la complexité. A la lecture des approximations dans les discours officiels, on a un sentiment de large improvisation et non d’un plan préparé de longue date.
De plus les coûts de cette universalité de la protection chômage sont difficilement compatibles avec l’austérité budgétaire et les critères européens que le gouvernement s’oblige à respecter. Dans ces conditions, la mise en place de l’indemnisation pour les indépendants risque de se faire en ponctionnant le budget aujourd’hui affecté aux salariés. Du coup, une baisse des allocations risque de s’ajouter à des règles plus restrictives en matière de droits : quand on sait que déjà aujourd’hui la moitié des chômeurs sont indemnisés, que l’ASS ( allocation d’Etat) est faible et familiale, des restriction supplémentaires sont elles socialement supportables pour dédommager des indépendant pour qui la distinction entre perte volontaire et involontaire d’emploi n’est pas claire? Ce d’autant plus que le bonus-malus pour l’emploi de contrats très précaires risque fort de se traduire par des mesures très limitées qui montreront l’incapacité du gouvernement à agir sur les dépenses patronales coûteuses pour les comptes publics
Enfin le document des partenaires sociaux de l’UNEDIC « Assurance chômage socle de réflexion pour une concertation utile » est une (auto) justification de l’assurance chômage telle qu’elle st aujourd’hui ; dans un chapitre appelé « l’assurance chômage apporte une réponse adaptée aux enjeux de société » les signataires syndicaux et patronaux prennent le contre pied de l’étatisation : « Toute évolution de l’assurance chômage doit s’engager sur le socle que constitue le fonctionnement actuel du régime. Du fait de ses principes fondateurs et de l’ensemble des services qu’elle rend, elle assure une prise en charge utile aux salariés qui perdent leur empli et plus globalement à l’équilibre de la société ». Une telle affirmation est elle l’indice de contradictions ente le gouvernement (et les secteurs du Capital de son bloc social) d’une part et d’autres forces du Capital plus attachées à des rapports plus contractuels avec les syndicats et qui ne font pas de l’indemnisation des indépendants une priorité ?
Tout ceci indique que ce qui va se décider dans les mois qui viennent n’est pas écrit d’avance, que malgré les apparences contraintes( le trop peu d’attention porté dans la gauche aux chômeurs, et les à priori faibles capacité de mobilisation sur l’indemnisation chômage ), le projet de Macron peut être le déclencheur d’un crise politique même après l’échec de la gauche sur les ordonnances.
A nous de prendre l’initiative et de proposer une campagne dans la durée sur ce sujet .
Etienne Adam