L'aveuglement, c'est maintenant !

Les élections municipales se sont traduites par un désaveu cinglant du gouvernement et une déroute historique du Parti Socialiste. Confronté à la politique de François Hollande qui a consciencieusement sapé sa propre base sociale, le peuple de gauche s'est massivement abstenu au premier, comme au second tour.

Face à un tel désastre, le président de la République a décidé qu'il était urgent de ne rien changer. Dès lundi soir, lors de son allocution, l'essentiel était dit : « Je ne dévierai pas de mon cap ». La volonté de mettre en place le pacte de responsabilité et de réduire les dépenses de l'Etat de 50 milliards est donc intacte. Tout le reste est en réalité littérature. Si le fond même de la politique économique est maintenue, François Hollande a en revanche décidé de nommer un nouveau premier ministre avec Manuel Valls. Ce choix symbolique est un véritable bras d'honneur à la masse des électeurs de gauche déboussolés, voire écœurés par la première partie du quinquennat. Le président a en effet choisi celui qui au cours de la primaire avait exprimé les options les plus libérales. Il envoie aussi à Matignon, celui qui en tant que premier flic de France a défendu une politique sécuritaire et multiplié les expulsions.

 

La composition du « nouveau » gouvernement incarne parfaitement la volonté de ne pas prendre en compte les souffrances exprimées par les Français lors de ces élections municipales. Les poids lourds de l'équipe précédente sont maintenus en poste avec quelques permutations. Arnaud Montebourg, à l'économie, n'aura la main ni sur les finances, ni sur le budget dévolus à Michel Sapin, quant au commerce extérieur et au tourisme ils passent curieusement au Ministère des Affaires étrangères. En somme, Arnaud Montebourg a été démondialisé. L'arrivée au gouvernement de Ségolène Royal et François Rebsamen illustre aussi parfaitement la continuité avec la politique antérieure. L'une a occupé exactement le même poste en 1992 – il y a 22 ans ! - dans le gouvernement de Pierre Bérégovoy, l'autre s'est essentiellement illustré dans la dernière période en menant la fronde des sénateurs socialistes contre la loi sur le cumul des mandats. A cette équipe devrait s'adjoindre une dizaine de secrétaires d'Etat après le vote de confiance du mardi 8 avril, histoire d'agiter la boite à bonbons pour quelques récalcitrants.

 

Plus que l'équipe resserrée de 16 ministres, la principale nouvelle est le rétrécissement de la majorité gouvernementale avec le départ des ministres EELV. Cette décision fait l'objet d'âpres débats au sein des écologistes mais ne devrait pas être inversée par la réunion nationale qui doit se tenir ce week-end. Quelles que soient les raisons nobles et moins nobles qui ont conduit au départ du gouvernement, il convient d'enregistrer positivement ce fait qui modifie profondément la donne à gauche. Il est en revanche prématuré d'inclure les écologistes dans un cadre d'alliance pour une autre politique. Il faut bien sûr faire le pari de décantations et de clarifications politiques et être acteur de celles-ci. Mais les divergences sur la question de la construction européenne, ou plus généralement les enjeux de la politique économique et sociale sont profonds.

 

L'émergence d'une alternative politique ne sera pas la simple résultante d'un quelconque mécano. Elle nécessite l'irruption de mouvements de masse sur tous les terrains : à commencer par la réussite de la manifestation du 12 avril contre le pacte de responsabilité.

 

Guillaume Liégard

 

 

Article