Le néolibéralisme contre le travail démocratique

Par « néolibéralisme », on peut entendre la configuration économique et politique de la nouvelle phase du capitalisme amorcée à la fin des années 1970. Il s’agit d’un projet « conçu pour rétablir les conditions d’accumulation du capital et restaurer le pouvoir des élites économiques »[1] menacés dans la période précédente.[2] Mais quelle est la cible politique spécifique que le néolibéralisme cherche à attaquer ? Dans cet article, je propose de concevoir le néolibéralisme comme un projet de neutralisation des potentialités sociales d’un « travail démocratique »[3], c’est-à-dire d’un processus conjoint de démocratisation du travail et de production démocratique d’institutions.
Les exemples historiques à l’appui de cette thèse ne manquent pas en Europe depuis les années 1970. Au Royaume-Uni, le gouvernement Thatcher fut élu, suite aux grèves massives des secteurs hospitalier et ferroviaire, avec le mandat de dompter les syndicats du secteur public. En France, le « tournant de la rigueur » imposa des politiques économiques néolibérales et le maintien dans le Serpent monétaire européen au détriment des mesures favorables aux salariés dans le Programme commun de la gauche. En Pologne, la capitulation politique de Solidarnosc face à l’urgence d’un règlement du problème de la dette publique et de l’hyperinflation signa l’arrêt de mort de son programme de socialisation des entreprises. Et en Grèce, plus récemment, la stratégie de la « parenthèse de gauche » conçue par la Troïka puis acceptée par le gouvernement d’Alexis Tsipras est parvenue à désamorcer la mise en œuvre du programme de Thessalonique, soutenu par une large part des classes populaires et moyennes, et qui comportait notamment le rétablissement du salaire minimum et de la législation du travail, un moratoire sur la dette, la transformation de l’économie selon des critères démocratiques et écologiques et l’horizon d’une mise sous contrôle démocratique des services publics. Les institutions européennes y ont poussé l’avantage jusqu’à remettre en cause, dans le troisième mémorandum, le principe de la démocratie parlementaire, en démontrant au passage l’impossibilité d’une intervention populaire – représentée notamment dans le référendum du 5 juillet 2015 – dans les politiques économiques. À chaque fois, dans ces « coups de maître » du néolibéralisme, c’est bien la menace d’un renforcement politique du pouvoir des travailleurs et le projet d’une démocratisation du travail et à partir d’elle de l’ensemble de la société qu’il s’agissait de désamorcer.
On peut donc convenir, avec Wendy Brown, que le néolibéralisme constitue un projet de « dé-démocratisation »[4] générale de la société. Mais cette thèse générale doit être précisée si l’on veut comprendre la logique politique spécifique de la financiarisation de l’économie et du management politique de la dette, du démantèlement de la protection sociale et du droit du travail et de la néomanagérisation de l’entreprise. Dans ces trois institutions piliers du capitalisme que sont le marché, l’État et l’entreprise, le néolibéralisme consiste à renforcer le pouvoir des capitalistes contre celui non pas du « peuple » en général mais des travailleurs. David Harvey a bien mis en relief cet enjeu politique central du travail dans sa critique du projet néolibéral : « J’ai toujours considéré le néolibéralisme comme un projet politique initié par la classe capitaliste du fait qu’elle se sentait gravement menacée d’un point de vue politique comme économique à la fin des années 1960 et dans les années 1970. Ils voulaient, à tout prix, conduire un projet politique permettant de réduire le pouvoir du travail »[5]. Dans le prolongement de cet argument, on montrera ici que le processus spécifique de « dé-démocratisation » porté par le néolibéralisme consiste fondamentalement en une attaque contre les potentialités démocratiques du travail.
C’est dans cette perspective que seront examinés trois des principaux vecteurs anti-démocratiques du néolibéralisme : la financiarisation de l’économie, puis la dissolution de la protection sociale et du droit du travail au sein du droit de la concurrence, enfin l’organisation néomanagériale du travail et la financiarisation de l’entreprise. Cette analyse des facteurs de neutralisation des possibilités d’un « travail démocratique » dans le néolibéralisme nous permettra, en conclusion, d’effectuer quelques remarques au sujet du devenir de l’État dans un projet de démocratie économique.
I. Financiarisation de l’économie et dette publique : une dépossession de la décision démocratique
La financiarisation de l’économie désigne les transformations structurelles de l’économie capitaliste depuis les années 1970, organisées autour de la généralisation de l’épargne de masse et l’offre de crédit à la consommation, ainsi que de la fixation par les places boursières des objectifs de production, de circulation et de valorisation des entreprises. Elle peut être caractérisée par trois facteurs principaux : les grandes entreprises du secteur productif ont acquis des capacités financières propres ; les banques ont intensifié leur activité de prêt aux ménages et de spéculation sur les marchés financiers ; les ménages ont été impliqués de manière structurelle dans les activités du secteur de la finance à titre de débiteurs ou de détenteurs de titres financiers[6]. À ces évolutions du secteur financier doivent être ajoutées les transformations corrélatives des institutions de régulation internationale dans le cadre de la « globalisation », et les mutations de l’entreprise, liées aux exigences croissantes des actionnaires[7]. Cependant, comme le note Cédric Durand dans l’introduction de son ouvrage Le Capital fictif, ce terme de « financiarisation » a fini par désigner, en un sens élargi, une pluralité apparemment plus disparate de phénomènes : « la libéralisation financière, l’internationalisation et la sophistication des marchés financiers, l’accroissement de l’endettement des firmes, des ménages et des États, la privatisation tendancielle des systèmes de production sociale et de la nature, la désarticulation du mouvement ouvrier, la multiplication des crises financières ».[8] Au-delà du débat économique stricto sensu, on examinera ici le problème des conséquences politiques de cet ensemble de transformations.
À cet égard, la thèse générale de cet ouvrage de Cédric Durand constitue un fil directeur pertinent : la spécificité de la financiarisation par rapport à la mondialisation de l’économie et aux politiques néolibérales qui l’accompagnent est « l’accumulation des droits de tirage sur la valeur qui reste à produire »[9]. Ce contrôle sur la valeur et la production à venir prend des formes différentes selon qu’il est question des « profits d’aliénation » (les intérêts payés par les ménages), des profits de prélèvement sur la plus-value des secteurs productifs (par la répartition des profits entre capital productif et capital financier) ou des « profits politiques » qui découlent des flux en direction de la finance médiés par les institutions publiques (au moyen de la dette publique ou des politiques de stabilité financière). Dans ces trois cas, les institutions financières et les marchés d’actifs « aiguillent les capitaux et constituent de cette manière le véritable centre de pilotage du développement économique »[10]. C’est ce rôle d’organisation de l’accumulation du capital qui permet de comprendre l’« appropriation de l’avenir » par le capital fictif, dont la logique politique se manifeste aujourd’hui le plus directement dans le double-bind endettement public/réformes structurelles au service de l’exploitation économique et de l’aliénation objective du pouvoir des travailleurs.[11] Cette logique de dépossession est également manifeste dans les « profits d’aliénation » : l’endettement des ménages et des étudiants contraint leurs comportements économiques et leurs possibilités sur le marché du travail, tandis que les « profits de prélèvement » sélectionnent les activités productives en fonction de leur rentabilité pour le capital financier. Comme l’exprime Costas Lapavitsas, la finance apparaît désormais comme « l’entité sociale qui rassemble en un tout les ressources dispersées dans la société »[12], se substituant ainsi à la décision démocratique. La financiarisation de l’économie contredit ainsi directement « la liberté d’organiser l’avenir par la délibération et son corollaire, la possibilité de réviser cette planification au fur et à mesure du déploiement de l’inattendu ».[13] Autrement dit, il s’agit d’un processus de « dé-démocratisation » de l’économie, qui dépossède les travailleurs et citoyens de la possibilité de décider concernant les moyens et les fins de la production.
Cette logique anti-démocratique de la financiarisation est cependant inséparable des politiques publiques néolibérales, et notamment de la gestion politique de la dette publique, dont l’analyse conduit au même constat d’un processus de « dé-démocratisation » de l’économie. Comme le soutient Wolfgang Streeck dans Le Temps acheté. La crise sans cesse ajournée du capitalisme démocratique : « En réalité, la construction, la déconstruction et la reconstruction de l’endettement public se révèlent étroitement associées au triomphe du néolibéralisme sur le capitalisme de l’après-guerre : ce triomphe s’accompagne d’une mise sur la touche politique de la démocratie de masse ».[14] Ce diagnostic s’appuie sur une périodisation spécifique des évolutions des « sociétés capitalistes démocratiques » dans la période de l’après-guerre : à un « État fiscal » constituant un « compromis de classe » entre recettes et dépenses publiques au moyen d’une politique étatique de planification et de redistribution, succéda dans les années 1970 « l’État débiteur », exprimant le projet d’une offensive économique et politique du capital contre le travail, au moyen notamment de la baisse des recettes fiscales vis-à-vis des dépenses publiques, de la dérégulation de la finance ainsi que de l’affaiblissement de l’État planificateur ; puis, dans la dernière période, l’« État de consolidation », en référence aux politiques de consolidation des finances publiques et d’endiguement de la dette des États au moyen des « réformes structurelles » visant à déposséder les citoyens des résidus démocratiques leur permettant de participer aux choix fondamentaux concernant les politiques économiques. Au « transfert économique » du coût des dépenses publiques du capital vers le travail, s’associe donc un « transfert politique » depuis l’action publique – et la question de sa légitimité démocratique – vers les créanciers de l’État – et la question de la « confiance » des marchés. Et à la « shareholder value » réalisant le pouvoir des actionnaires dans l’entreprise s’ajoute donc désormais la « bondholder value »[15], la valeur des obligations étatiques, qui contribue à garantir la participation des gouvernements à l’entreprise de dé-démocratisation de l’économie.
L’évolution du néolibéralisme peut donc être comprise comme une neutralisation des possibilités d’une « ingérence » démocratique dans l’économie. Dès la première phase du néolibéralisme, en effet, on constate une baisse de la participation des citoyens – particulièrement dans les classes populaires et moyennes – aux institutions politiques[16]. Cependant, cette diminution de la participation politique n’efface pas entièrement le risque d’une intervention démocratique dans l’économie politique du néolibéralisme. Ainsi, les conditions de « l’immunisation des marchés contre des corrections démocratiques » doivent-elles être, dans l’Union européenne, « en premier lieu mises en œuvre à travers des ‘réformes’ incrémentielles des institutions politico-économiques : à travers le passage à une économie politique fondée sur des règles, à des banques centrales indépendantes et à une politique fiscale immunisée contre les résultats électoraux ; à travers le transfert des décisions en matière de politique économique aux appareils de régulation et aux commissions de prétendus ‘experts’ ; tout autant qu’à travers des règles d’or budgétaires formellement inscrites dans les Constitutions, et liant juridiquement les États et leurs politiques pour des décennies, sinon pour toujours »[17]. Mais quelle forme de « démocratie » s’agit-il ainsi plus précisément de rendre impossible ?
Certaines des analyses de Wolfgang Streeck permettent d’étayer notre argument à cet égard : il ne s’agit pas seulement de restreindre les prérogatives des institutions de la démocratie libérale, mais plus fondamentalement de défaire les compromis de classe de la période antérieure, de consolider « l’appropriation de l’avenir » par les actionnaires et créanciers, et d’endiguer les possibilités d’un contrôle démocratique de l’économie. Or, comme le montre l’auteur, ce complexe d’objectifs hérite du contexte sociopolitique très spécifique des années 1960-1970, que le néolibéralisme a eu pour fonction de défaire : face à « des vagues toujours nouvelles de grèves, salariés et syndicats campant sur leurs revendications » et tandis que « le capital voyait se réduire sa marge de manœuvre en termes de concessions », le passage à « l’État débiteur » a correspondu à une décision d’ « abandonner le contrat social qui avait été adopté à l’après-guerre » pour se « dérober au devenir planifié et programmé que lui réservait la politique démocratique ».[18] Dans la période de « l’État de consolidation », il s’agit de rendre définitivement impossible l’« utopie d’une démocratie sans capitalisme »[19], et pour cela de « mettre un terme à la dimension démocratique du capitalisme en gommant toute dimension économique de la démocratie ».[20] Autrement dit, l’évolution des politiques néolibérales doit être comprise dans la perspective de cet objectif politique : neutraliser les possibilités de démocratisation de l’économie qui existaient à l’état latent dans la période précédente.
II. Démantèlement du droit du travail et « gouvernance » dans l’Union européenne
L’analyse des politiques sociales et économiques mises en œuvre par l’Union européenne ces trois dernières décennies permet également de saisir le projet de neutralisation des bases d’une possible démocratie du travail dans le néolibéralisme. Les prescriptions des instances européennes en cette matière – notamment la « flexibilité » du marché de l’emploi, la « modération salariale » et la « diminution du coût du travail », la privatisation des services publics et le report de la négociation collective depuis les branches sectorielles vers le niveau de l’entreprise – doivent être comprises comme des formes de contre-attaque contre les potentialités d’un travail démocratique.
Là encore, le rappel du contexte initial contre lequel le projet néolibéral a été conçu est décisif. Dans son analyse de la « tentative de prise du pouvoir politique par l’élite financière »[21] dans l’Union européenne, Robert Salais rappelle ainsi que la « voie de l’Europe du travail » s’était rouverte dans les années 1970 suite aux mouvements sociaux de la décennie précédente, comme en témoigne en France par exemple le rapport Sudreau (1975), qui défendait « la participation des salariés aux choix économiques, allant jusqu’à reconnaître un droit d’expression individuelle et collective et à proposer d’intégrer des représentants des salariés avec voix délibératives dans les conseils d’administration et de surveillance »[22]. Les politiques de l’emploi dans l’Union européenne depuis cette période n’ont pas seulement pour objectif la garantie des conditions d’extorsion de survaleur et d’accumulation mais aussi de rendre impossible un tel renforcement du pouvoir des travailleurs. C’est ce que visent notamment les politiques d’ « activation » – qui permettent d’accroître la concurrence sur le marché du travail[23] –, de « valorisation du travail » – qui incitent à augmenter la différence entre les revenus du travail et les minimas sociaux –, ou de « flexicurité » – qui articulent l’employabilité des travailleurs, l’octroi de droits de protection sociaux minimaux et la flexibilité du marché du travail et des relations de travail. Ces politiques se résument souvent dans l’impératif de « flexibilité », qui comporte des formes « défensives », renvoyant aux objectifs de réduction des entraves aux licenciement ou de suppression des seuils légaux du droit du travail, et des formes « offensives » qui visent « la recherche, à travers la crise, d’un nouveau rapport salarial »[24]. Dans le projet de l’Union européenne, c’est donc la construction de « l’ordre du marché » qui prime, et qui en réalité a toujours constitué le fil directeur politique[25]. C’est pourquoi, l’affirmation souvent commentée de Jean-Claude Juncker, président en exercice de la Commission européenne, selon laquelle « il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens »[26], ne signifie pas d’abord un projet de destruction de la « souveraineté » des États-nations, mais plus fondamentalement l’adhésion à un projet de « dé-démocratisation » de l’économie, permis par la construction d’un grand marché concurrentiel à l’abri de toute intervention démocratique des travailleurs.
On ne pourra rappeler ici les étapes de cette remise en cause puis du démantèlement effectif des droits sociaux nationaux par les traités européens et les « réformes structurelles » recommandées par l’Union européenne en vue de construire un tel ordre concurrentiel contre-démocratique.[27] On insistera cependant sur le fait qu’à partir des années 2000, c’est le droit du travail qui devient la cible privilégiée du projet néolibéral européen : il s’agit de « moderniser le droit du travail pour relever les défis du 21e siècle »[28]. Pour parvenir à la « flexicurité », ce document propose notamment de généraliser les formes de contrat de travail précaires. D’une part, il s’agit de généraliser et d’instituer les contrats de travail « non classiques », notamment les contrats à durée déterminée et à temps partiel, les contrats « zéro heure » et intérimaires, qui « font aujourd'hui partie intégrante des caractéristiques des marchés du travail européens »[29]. D’autre part, il s’agit d’harmoniser par le bas les contrats « classiques », et dans cette perspective « d’évaluer, et s’il y a lieu de revoir, le degré de flexibilité prévu dans les contrats standards en ce qui concerne les délais de préavis, les coûts et les procédures de licenciement individuel ou collectif, ou encore la définition du licenciement abusif »[30]. Les autres recommandations de ce document concernent les « transitions professionnelles » (devant faciliter les licenciements) ; les « relations de travail triangulaires » (devant assurer que le travail intérimaire et le statut des travailleurs détachés soient bien conformes à la « libre prestation des services dans le marché intérieur ») ; la mobilité des travailleurs (la « liberté de circulation » des travailleurs étant nécessaire au marché concurrentiel) et l’aménagement du temps de travail (qui demeure un point de blocage dont le Livre Vert souhaite qu’il soit « provisoire »). Ces objectifs constituent des recommandations pour les réformes nationales, mais aussi le fondement des « négociations » entre les gouvernements nationaux et les institutions européennes, ainsi que les principes de récents arrêts de la Cour de justice européenne, qui désormais « peut, au nom de la liberté du commerce, limiter l'action syndicale et les droits des salariés »[31], mettant ainsi en œuvre les orientations néolibérales des autres institutions européennes.
Rappelons également que l’amputation du Code du travail prévue par la « loi El Khomri » en France était explicitement préconisée dans une « recommandation » du Conseil de la Commission européenne du 14 juillet 2015 : « la France devrait prendre des mesures résolues pour supprimer les seuils réglementaires prévus par le droit du travail et les réglementations comptables qui limitent la croissance de ses entreprises », afin de « réduire le coût du travail et améliorer les marges bénéficiaire des entreprises »[32]. Un tel complexe d’objectifs est convergent avec la technique juridique européenne d’« insertion d’un statut dans un contrat », permettant d’effacer ce qui pouvait, dans les législations nationales, relever de la protection de formes spécifiques de travail concret (pénibilité, risques, durée de travail, etc), contribuant ainsi à « étendre l’empire du travail abstrait, en favorisant l’unification du statut du travailleur salarié, et la disparition progressive des distinctions assises sur la prise en considération de l’objet concret de la prestation de travail »[33]. Autrement dit, le « droit social » européen est construit comme une machine de guerre contre les droits du travail nationaux – et spécifiquement contre ce qu’ils comportaient d’appuis non seulement à la limitation de l’exploitation économique, mais aussi à la participation concrète des travailleurs au fonctionnement de l’entreprise et à la vie économique.[34]
On comprend mieux le caractère indissociable de la destruction des législations nationales du travail soutenue par l’Union européenne (institutionnalisation des « Zero Hours contracts » au Royaume-Uni, « Agenda 2010 » et Lois Hartz en Allemagne, destruction du système de négociation collective dans les mémorandums en Grèce, « Jobs Act » en Italie, Lois Macron, Rebsamen et El Khomri en France, etc.) et du projet « a-démocratique »[35] de la « gouvernance européenne »[36], qui comme le formulent Pierre Dardot et Christian Laval « réduit la vie publique au management ou à l’administration en éliminant la politique, le conflit et la délibération sur les valeurs communes ou les fins »[37]. Il s’agit de conjuguer un processus de « dé-démocratisation » des décisions économiques et d’ « économicisation » des décisions politiques, afin de substituer l’ordre concurrentiel néolibéral à la légitimité démocratique comme principe d’organisation de l’économie. L’affaiblissement du pouvoir des travailleurs est l’objectif politique commun de la financiarisation de l’économie et du management transnational de la dette publique, de la « gouvernance » a-démocratique et du démantèlement du droit du travail.
III. Financiarisation de l’entreprise et pouvoir managérial
Enfin, ce processus anti-démocratique est à l’œuvre dans l’organisation néomanagériale du travail au sein de « l’entreprise managériale financiarisée »[38]. C’est aussi au moyen de dispositifs néomanagériaux et financiers spécifiques que sont neutralisées les potentialités démocratiques du travail.
On peut envisager cette logique d’un point de vue microsociologique ou macroécononomique. D’une part, on trouve un ensemble d’outils d’organisation du travail aliénants[39], qui dépossèdent les travailleurs de la possibilité de délibérer, décider et agir de manière autonome en ce qui concerne leur activité. Ainsi, l’évaluation individualisée des performances, qui engage à enregistrer les actes de travail sous forme de données informatiques en vue d’une estimation par la hiérarchie et organise la concurrence entre les travailleurs, provoque une forme d’aliénation de l’activité démocratique au sens d’une neutralisation des solidarités professionnelles dans l’entreprise. Les normes de qualité totale, qui règlent les processus de travail au moyen de procédures comptables imposées par le top management, impliquent un processus d’aliénation, au sens de la dépossession de la décision et de l’abstraction des taches de travail en actes standardisés et déliés de leur finalité pratique. Le gouvernement par les flux, caractérisé par un pilotage des processus de travail par les flux d’informations et de marchandises en circulation permanente, entrave l’activité démocratique, dans la mesure où il devient impossible de trouver des moments de délibération collective sur la qualité du travail et la maîtrise du processus de production. Enfin, certains dispositifs de développement personnel dont la fonction est de désorganiser la « résistance au changement » des salariés, aliènent les aspirations démocratiques des salariés en les incitant à accepter des procédures, décisions et formes d’organisation qu’ils désapprouvent et à l’élaboration desquelles ils ne peuvent pas participer[40].
D’autre part, d’un point de vue macroéconomique, il convient de remettre en question le diagnostic courant d’une ancillarisation de « l’entreprise » au service de « la finance ». On rappellera que ce sont des entreprises qui fabriquent les produits financiers – par exemple en se spécialisant dans la titrisation –, évaluent la valeur – c’est le cas par exemple des « agences de notation » – et permettent aux marchés financiers de fonctionner, par exemple au moyen du mécanisme du « leverage buy out » (effet de levier par endettement). La financiarisation de l’économie, qui fait prédominer la valeur actionnariale dans le processus d’accumulation du capital, est en réalité inséparable de l’organisation néomanagériale du travail : « la valeur actionnariale trouve son efficacité dans un ensemble de règles, formelles et informelles, qui orientent les conceptions et actions des différents membres de l’entreprise, en tout premier lieu des managers, et dans les dispositifs visant à assurer le respect de ces règles ».[41] Il revient ainsi au top management de rendre opérationnels les instruments du « value-based management », qui permettent de faire fonctionner les critères de rentabilité financière, par ceux du « retour sur investissement », au cœur même de la gestion de l’entreprise.
La « financiarisation de l’entreprise » s’appuie cependant à la fois sur l’organisation néomanagériale, qui encadre les rapports entre managers et travailleurs subalternes, et sur la « corporate governance », qui règle les rapports entre cadres dirigeants et actionnaires. Ses critères abstraits, déconnectés du secteur d’activité de l’entreprise, doivent permettre d’évaluer jusqu’à quel point l’entreprise est prête à maximiser sa valeur actionnariale[42]. Ce pilotage par les normes financières nécessite également la collaboration active des top managers, chargé de produire ces indicateurs d’une part et de les opérationnaliser dans la production d’autre part. Du point de vue de l’entreprise, « la finance » correspond non pas à un acteur obscur (la « main invisible » du « marché »), mais à un ensemble d’instruments, certes particulièrement complexes, employés par « la main visible » de la direction des grandes entreprises et par d’autres entreprises (dites de « capital risk », « private equity », « leverage buy out », ainsi que les banques et hedges funds) spécialisées dans l’évaluation, la production et la mise en œuvre des instruments de gestion financière. La financiarisation de l’entreprise nécessite le concours actif des cadres supérieurs et directions d’entreprise, dont le travail consiste pour une large part à orienter l’organisation entreprise en fonction des critères de sa gestion financière.
Dans l’entreprise managériale financiarisée, la « corporate governance » ne fait donc pas reculer le pouvoir managérial, mais en transforme la structure et les fonctions. Le travail du top management, en charge de la « stratégie » dans les grandes entreprises, se concentre sur les opérations d’acquisition et de cession ; tandis que le travail du management intermédiaire, en charge de « l’organisation », a pour fonction de piloter les activités en fonction des objectifs concurrentiels. À cet égard, on peut certes considérer que l’on assiste à un « déclin de la responsabilité managériale »[43], et que la fonction des managers a changé – ils sont désormais des « gatekeepers » de la valeur actionnariale –, mais pas que leur pouvoir a diminué. Si d’un côté « le pouvoir managérial est moins responsable à l’égard de l’entreprise » – ce dont témoigne le fait que les « irrégularités financières se multiplient et que les rémunération des executives explosent » –, d’un autre côté la « primauté des shareholders » a paradoxalement « renforcé le pouvoir discrétionnaire des managers plutôt qu’elle ne l’a limité »[44]. C’est pourquoi l’hégémonie de la valeur actionnariale doit être comprise non comme une substitution du pouvoir financier au pouvoir managérial mais comme la constitution d’un bloc de pouvoir des actionnaires et des managers contre le pouvoir de décision des travailleurs subalternes dans l’entreprise.
Cette analyse de la causalité réciproque entre financiarisation de l’économie et financiarisation de l’entreprise rejoint la thèse de la « structure de classe tripolaire du capitalisme organisé »[45] de Gérard Duménil et Dominique Lévy, selon laquelle le capitalisme au XXe siècle s’est réorganisé autour de l’émergence d’une nouvelle classe sociale, celle des cadres, socialement située entre celle des capitalistes et celle des classes populaires d’employés et d’ouvriers. Les auteurs soulignent à juste titre la fonction centrale des « classes managériales » dans la mise en œuvre du néolibéralisme : « En réalité, l’imposition du néolibéralisme aurait été impossible sans cette nouvelle alliance, au sommet de la pyramide sociale, entre les propriétaires et les managers ».[46] De même, l’analyse du changement d’alliance de cette « classe intermédiaire » – avec les classes populaires d’employés et d’ouvriers dans le compromis de classe de l’après-guerre, puis avec la classe des propriétaires dans le néolibéralisme – offre un cadre général pertinent à l’analyse du néolibéralisme comme projet de dé-démocratisation de l’économie. Mais la question demeure de préciser la menace politique spécifique à laquelle le néolibéralisme a cherché à contrevenir. Pour les auteurs, le néolibéralisme constitue un projet conduit par la classe des propriétaires contre le risque d’une extension du pouvoir autonome de la classe managériale.[47] Cependant, dans l’annulation des nationalisations, l’attaque contre les services publics et le démantèlement du droit du travail dans l’Union européenne, la gestion de la dette publique et la neutralisation des gouvernements de gauche, c’est plutôt la menace des partis et des syndicats censés représenter le mouvement ouvrier ainsi que de la possibilité d’une action autonome des travailleurs, qui constitue la cible de la contre-révolution néolibérale. Et dans l’entreprise, la fonction du management demeure toujours d’organiser le travail de telle manière que « le contrôle sur le procès de travail passe des mains du travailleur à celui des capitalistes »[48], c’est-à-dire que l’organisation du travail aliène la participation des travailleurs à la définition des fins et des moyens de leur activité.
À cet égard, si l’on peut dire que dans la période précédente « le renforcement du pouvoir des classes populaires ainsi que la protection sociale empiètent sur les revenus du capital, et l’autonomie du management limite le pouvoir des classes capitalistes »[49], le projet politique du néolibéralisme a consisté à inverser conjointement ces deux processus. En réalignant le pouvoir managérial sur les objectifs de la classe des propriétaires, il s’agit d’empêcher un possible renforcement du contrôle démocratique des travailleurs sur l’économie.
Conclusion
Face à la menace, portée par les aspirations démocratiques, d’un contrôle des travailleurs sur l’économie, le néolibéralisme est donc parvenu à opposer les digues de la financiarisation et de la dette publique, du démantèlement du droit du travail et des droits sociaux ainsi que de la réorganisation néomanagériale du travail dans l’entreprise financiarisée. Comment concevoir cependant les voies d’une réalisation de ce « travail démocratique » que le néolibéralisme vise à rendre impossible ?
À cet égard, le mouvement ouvrier en Europe nous a légué deux paradigmes : celui de la lutte des classes, qui défend qu’il est nécessaire de transformer les institutions pour démocratiser sur cette base le travail, et celui de la démocratie industrielle, qui soutient qu’il est nécessaire de commencer par une démocratisation du travail pour transformer par ce moyen l’ensemble des institutions[50]. Un projet de « démocratie économique » – terme autour duquel le débat a été relancé ces dernières années, notamment en Allemagne[51], doit aujourd’hui parvenir à articuler ces deux paradigmes du travail démocratique. Parmi les propositions mises en jeu dans ce débat, on trouve ainsi d’un côté la sortie des secteurs de la formation, du santé, du logement, de l’eau, de l’énergie et des biens communs, de la régulation par le profit, le contrôle démocratique des grandes entreprises et de la finance, l’interdiction de la spéculation financière et des lois de régulation anti-trusts, le renforcement des moyens des collectivités territoriales ; et d’un autre côté le renforcement de la propriété communale sous contrôle des citoyens et travailleurs, le développement des initiatives écologiques et solidaires dans tous les secteurs de la production, la participation des travailleurs aux décisions dans l’entreprise et dans les branches et des conseils sociaux (et environnementaux) dans les commissions de région sur la base des branches, avec participation notamment des consommateurs et des travailleurs[52]. Dans une telle démocratie économique, une banque par exemple serait mise sous le contrôle démocratique de trois instances : celle de ses travailleurs, dans un conseil d’entreprise ; celle de la branche du secteur bancaire, dans un conseil économique ; et celle de l’ensemble des consommateurs et parties prenantes concernés par l’activité, dans un conseil social.
D’un point de vue théorique, le principal problème posé par cette articulation entre socialisation « par le bas » et « par le haut » est celui du devenir de l’État dans une telle démocratisation de l’économie. Quelle que soit la formule adoptée, on peut convenir que le principe de la démocratie économique repose sur deux sources de légitimité : « le pilier parlementaire qui concerne tous les citoyens sans distinction, et le pilier des conseils, qui fonctionne comme une organisation démocratique du système du travail social »[53]. Mais un tel système de représentation parlementaire ne pourrait manifestement pas demeurer le même qu’aujourd’hui : « dans le processus qui conduit de la démocratie politique à la démocratie sociale et à la démocratie économique, la démocratie, et le demos, doivent être radicalement transformés ».[54] C’est l’une des principales conséquences politiques de notre analyse : si le néolibéralisme consiste en un processus de « dé-démocratisation » qui vise à contrecarrer le pouvoir non pas du demos en général mais des travailleurs en particulier, alors c’est aussi l’ensemble des institutions de la démocratie libérale – et en premier lieu « la machinerie de l’État »[55] comme la désignait Marx – qui doivent être démantelées et remplacées par les nouvelles institutions de la démocratie économique.
En ce qui concerne les institutions politiques nationales, on peut certes considérer avec Wolfgang Streeck que « sans elles, le projet d’une économie politique démocratique en Europe ne serait pas aujourd’hui, tel qu’en lui-même, dans une grande détresse ; il serait depuis longtemps mort et enterré ».[56] Mais il est surtout nécessaire de se rappeler qu’à chaque fois que dans l’histoire récente, des éléments de l’économie politique capitaliste ont été remis en cause – fût-ce partiellement – par un projet politique promouvant des formes de démocratie économique, c’est aussi de transformation démocratique de l’État qu’il dut être question.
C’est l’un des signes que le néolibéralisme a toujours besoin des États ; à condition que les risques d’une irruption de la voix des travailleurs y soient définitivement neutralisés. Et c’est pourquoi, si un projet anti-néolibéral de démocratie économique doit « viser d’abord une limitation du pouvoir économique et politique des propriétaires[57] », il devra aussi s’attaquer aux structures existantes de l’État en vue de les remplacer par de nouvelles institutions démocratiques.
Alexis Cukier. Publié dans le numéro 31 de Contretemps.
Alexis Cukier est Post-doctorant en philosophie dans le cadre de l’ANR « Approches philosophiques de la centralité du travail » (Cerphi, Crephac, Sophiapol), et directeur du programme « Travail et démocratie » au Collège international de philosophie.
[1] G. Duménil et D. Lévy, The crisis of neoliberalism, Cambridge, Harvard University Press, 2013, p. 39.
[2] Voir G. Duménil et D. Lévy, Capital resurgent. Roots of the Neoliberal Revolution, Harvard University Press, 2004.
[3] Voir A. Cukier, Le travail démocratique, Paris, PUF, 2017, à paraître.
[4] W. Brown, Les habits neufs de la politique mondiale, Paris, Prairies Ordinaires, 2007, p. 115.
[5] D. Harvey, « Neoliberalism is a political project », Jacobin, 23 juillet 2016. Voir aussi D. Harvey, Une brève histoire du néolibéralisme, Paris, Les Prairies ordinaires, 2014, par exemple p. 237.
[6] Voir notamment C. Lapavitsas, « Theorizing financialization », Work, employment and society, n°25, 2011.
[7] Voir notamment G. Duménil et D. Lévy, The crisis of neoliberalism, op. cit., p. 35.
[8] C. Durand, Le capital fictif. Comment la finance s’approprie notre avenir, Paris, Les Prairies ordinaires, 2014, p. 9-10.
[9] Ibid., p. 10.
[10] Ibid., p. 126.
[11] Voir notamment ibid., p. 190
[12] C. Lapavitsas, Profiting without producing : How Finance Exploits Us All, Londres, Verso, 2013, p. 201, je traduis.
[13] C. Durand, Le capital fictif, op. cit., p. 187.
[14] W. Streeck, Le temps acheté. La crise sans cesse ajournée du capitalisme démocratique, Paris, Gallimard, 2014, p. 85.
[15] Voir ibid., p. 119.
[16] Ibid., p. 88.
[17] Ibid., p. 97.
[18] Ibid., p. 55.
[19] Ibid., p. 238.
[20] Ibid., p. 149.
[21] R. Salais, Le viol d’Europe. Enquête sur la disparition d’une idée, Paris, PUF, 2013, p. 357.
[22] Ibid., p. 316-317.
[23] C. Ehrel, « Politiques de l’emploi : la tendance à l’activation donne-t-elle une place accrue à l’accompagnement ? », Informations sociales, n°169, 2012.
[24] E. Mazuyer, « Les mutations du droit du travail sous influence européenne », Revue de la Régulation, n°13, 2013.
[25] Voir à ce sujet notamment P. Dardot et C. Laval, Ce cauchemar qui n’en finit pas, op. cit., p. 118.
[26] Entretien avec J-C. Juncker, Le Figaro, 29 janvier 2015.
[27] Pour une synthèse, voir le chapitre « De continuité en ruptures : la longue marche du néolibéralisme » dans l’ouvrage collectif Que faire de l’Europe ? Désobéir pour reconstruire, Paris, Les Liens qui libèrent, 2014.
[28] Commission des Communautés européennes, « Moderniser le droit du travail pour relever les défis du 21ème siècle », 2006, URL :
http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2004_2009/documents/com/com_com(2006)0708_/com_com(2006)0708_fr.pdf.
[29] Ibid., p. 8.
[30] Ibid., p. 3-4.
[31] P. Khalfa, « Le droit européen contre l’Europe sociale », Libération, 15 avril 2008.
[32] « Recommandation du Conseil du 14 juillet 2015 concernant le programme national de réforme de la France pour 2015 et portant avis du Conseil sur le programme de stabilité de la France pour 2015 », URL : http://ec.europa.eu/europe2020/pdf/csr2015/csr2015_council_france_fr.pdf.
[33] A. Supiot, Critique du droit du travail, Paris, PUF, 2007, p. 33-34.
[34] Voir à ce sujet A. Cukier, « Exploitation, marxisme et droit du travail », En ligne sur le site du séminaire Penser la transformation (Université Montpellier-Paul Valéry), juin 2016.
[35] Voir R. Salais, Le viol d’Europe, op. cit., p. 358-360, et C. Laval, « Remarques sur l’a-démocratie neolibérale », in F. Cusset, T. Labica, V. Rauline (dir.), Imaginaires du néolibéralisme, Paris, La Dispute, 2016.
[36] Voir Commission européenne, « Livre blanc sur la nouvelle gouvernance européenne », 2001.
[37] P. Dardot et C. Laval, Ce cauchemar qui n’en finit pas, op. cit., p. 128-129.
[38] O. Weinstein, Pouvoir, finance, connaissance. Les transformations de l’entreprise capitaliste aux XXe et XXIe siècles, Paris, La Découverte, 2010, p. 178.
[39] Voir notamment J.-P. Durand, « Les outils contemporains de l’aliénation du travail », C. Dejours, « Aliénation et clinique du travail », E. Renault, « Du fordisme au post-fordisme : dépassement ou retour de l’aliénation ? », dans Nouvelles aliénations, Revue Actuel Marx, no 39, mai 2006.
[40] Voir à ce sujet, par exemple, H. Stevens, « Management par le développement personnel et injonction à l’autonomie », in R. Bodin (dir.), Les métamorphoses du contrôle social, Paris, La Dispute, 2012
[41] O. Weinstein, Pouvoir, finance et connaissance, op. cit., p. 101.
[42] Voir notamment, A. Orléan, Le pouvoir de la finance, Paris, Odile Jacob, 1999, p. 217.
[43] M. T. Moore et A. Rébérioux, « The corporate governance of the firm as an entity : old issues for a new debate », in Y. Biondi, A. Canziani, T. Kirat (dir.), The Firm as an entity. Implications for economics, accounting and the law, Routledge, Londres et New York, 2007, p. 354.
[44] Ibid., p. 357.
[45] Voir par exemple G. Duménil et D. Lévy, La grande bifurcation. En finir avec le néolibéralisme, Paris, La Découverte, 2014, premier chapitre.
[46] G. Duménil et D. Lévy, The crisis of neoliberalism, op. cit., p. 77. Voir également p. 84.
[47] Voir par exemple ibid., p. p. 81.
[48] H. Braverman, Labor and Monopoly Capital, The Degradation of Work in the Twentieth Century, Monthly Review Press, 1998, p. 39.
[49] G. Duménil et D. Lévy, The crisis of neoliberalism, op. cit, p. 81.
[50] Voir A. Cukier, « Deux modèles de la centralité politique du travail », in A. Cukier et E. Renault, Enjeux politiques du travail, Revue Travailler, n°36, octobre 2016.
[51] Voir notamment U. Plener (dir.), Demokratisierung von Wirtschaft und Staat. Studien von Ökonomie, Staat und Demokratie von 19. Jahrhundert bis heute, Berlin, Nora, 2014.
[52] U. Plener, « Umfassende Demokratie in Wirtschaft und Staat als Strategie der Linken im 21 Jahrhundert », in ibid., p. 18-19.
[53] M. Krätke, « Eine andere Demokratie für eine andere Wirtschaft. Überlungen zur institutionnellen Form der Wirtschaftdemokratie », in ibid., p. 66.
[54] Ibid., p. 62.
[55] K. Marx, Le dix-huit Brumaire de Louis Bonaparte. Paris, Messidor, p. 186.
[56] W. Streeck, Du temps acheté…, op. cit., p. 287.
[57] A. Demirovic, « Wirtschaft und Demokratie », in U. Plener (dir.), Demokratisierung von Wirtschaft und Staat…op.cit.., p. 45.