Orientation politique d'Ensemble
L’orientation politique d’Ensemble !
Texte adopté à l’Assemblée Générale d’Ensemble le 21 novembre 2020
Sur deux points où il subsistait des désaccords, les deux rédactions sont présentées en italique. Elles représentent l’état actuel de nos débats.
1. Face à la crise, mobilisation
1.1 Nous avons affaire à une crise globale, sanitaire, économique, sociale, écologique, sécuritaire (avec une dimension géostratégique). Une crise durable. Une crise mondiale.
1.2. Des réponses diverses à l’échelle internationale.
1.2.1. Certains gouvernements (Trump, Bolsonaro) ont nié le problème.
1.2.2. Au sein de l’Union européenne, face à la gravité de la crise et au risque d'un effondrement des sociétés, les gouvernements ont été amenés à engager des dépenses publiques et à assumer un endettement de grande ampleur, politique en rupture avec la doxa néolibérale et contraire aux traités. Ils ont dû mettre en place des dispositions d’intervention étatique (aides diverses). Mais cela se fait avec une augmentation des inégalités, de la précarité, et de la pauvreté. Nous devons jouer sur cette contradiction : sans un changement des principes économiques et politiques, ségrégations et reculs démocratiques s'accroîtront, accompagnés de nationalismes. Des options politiques alternatives peuvent permettre un autre usage des richesses, tant dans les garanties des solidarités que de la maîtrise des rapports à la nature.
1.2.3. Le gouvernement français a perpétué - avant et pendant la pandémie - la dégradation du système de santé consécutive aux réformes libérales successives, et mis en péril les missions de l'hôpital public. Il a appliqué cette même politique en l'accompagnant d’un positionnement autoritaire et verticaliste et de l’autoritarisme du pouvoir. Tout en prétendant mêler aux mesures d'urgence des transformations structurelles, il se montre toujours attaché aux mêmes logiques de défense des privilégiés au détriment des salariés et des catégories sociales les plus en difficulté, d'attaques contre les acquis sociaux, de dégradation des services publics (cf. l'absence de réelle priorité à l'hôpital public, la loi sur Université et recherche...).
1.2.4. La politique de dégradation de l’hôpital public menée depuis des années et les mensonges sur les masques et les tests ont aggravé la crise sanitaire. Impréparation, incurie, cacophonie et mensonges ont caractérisé la politique du gouvernement Macron. L'absence de masques, de tests, de respirateurs ont mis gravement en danger la population. La dégradation du système de santé consécutive aux réformes libérales successives, le refus d'E. Macron de répondre aux revendications des personnels de santé ont mis en péril les missions de l'hôpital public. L'extension rapide de l'épidémie a contraint le gouvernement à confiner la population pendant plusieurs semaines. Confinement qui n'a pas concerné les personnels de santé et les salarié.e.s en première ligne, qui ont payé le prix de leur exposition au risque sanitaire. Pour protéger l'appareil de production et son redémarrage ultérieur, pour éviter une catastrophe sociale, il a dû mettre en place le chômage partiel. Inégalités, précarité, pauvreté ont été mises en lumière durant cette période. Le confinement a renforcé le verticalisme et l’autoritarisme gouvernemental. Les forces de police ont vu leur pouvoir renforcé et ont accentué le contrôle social, dans les quartiers populaires notamment.
1.3. Une récession économique gravissime va entraîner des mutations du système capitaliste et une aggravation brutale du chômage. Le capital et ses représentants ont la tentation de recourir à la stratégie du choc, de profiter de l'effet de sidération provoqué et entretenu par la crise sanitaire pour amplifier les politiques de casse sociale et écologique sur fonds de dérive autoritaire et de violences policières.
1.3.1. Contre les licenciements, nous soutenons le droit de veto des salarié-es et délégué-es des CSE et le droit à des solutions alternatives comme la réquisition ou la reprise par les salariés des entreprises liquidées par les actionnaires : l'Etat doit accompagner financièrement et juridiquement de telles initiatives. Nous exigeons le rétablissement des CHSCT.
1.3.2. Nous défendons le maintien intégral des salaires par une Sécurité sociale universelle, couvrant le risque de chômage, financée par les cotisations et gérée démocratiquement par les travailleurs et les travailleuses ainsi que par les usagers.
1.3.3. Nous revendiquons la baisse massive du temps de travail et le droit à la formation tout au long de la vie par le contrôle démocratique des salarié-e-s et de leurs représentants syndicaux.
1.3.4. La question de la réorientation des productions se pose, en rapport avec les urgences écologiques. Nous avançons la nécessité de la relocalisation des industries, la nationalisation des industries pharmaceutiques, et la nécessité de privilégier les circuits courts.
1.3.5 Nous défendons le renforcement du secteur public par la création de postes massifs dans la santé, l’éducation, l’enfance la fiscalité, les transports, avec une gestion plus démocratique.
1.3.6 Nous avançons la revendication d'une socialisation d'une partie des fortunes amassées par les plus riches pendant les dizaines d'années de politiques néolibérales, ainsi que le contrôle des salarié-e-s sur les décisions des entreprises, premier pas vers une appropriation sociale autogestionnaire de l'économie.
1.4. Les nouvelles formes des mobilisations.
1.4.1. Les luttes sociales.
1.4.1.1. Il est indispensable de soutenir une alliance durable entre les mobilisations syndicales, les associations écologistes, féministes, antiracistes, les Gilets jaunes. Le groupement « Plus Jamais ça » en est un début.
1.4.1.2. Les questions de la précarité et du chômage doivent prendre une place de plus en plus centrale dans les luttes du mouvement ouvrier. Face à la précarité et à la pauvreté croissantes, personne ne doit avoir de revenu inférieur au seuil de pauvreté. Tout le monde doit avoir un minimum de 1250€ par mois ; le salaire doit être augmenté avec un SMIC à 1700€ net.
1.4.2. Les mobilisations pour le climat, contre toutes les formes de racisme et pour les droits des femmes prennent de l’ampleur et doivent être au cœur de nos activités. La jeunesse est très présente dans ces mobilisations. La radicalité antilibérale et anticapitaliste s’y manifeste, mais la politisation reste encore embryonnaire quant à la nécessité de rompre avec le système capitaliste. Nous agissons pour l’unité de ces mobilisations. Dans les semaines à venir, nous participerons aux manifestations pour les droits des femmes (25 novembre), à celle pour les droits des chômeurs (5 décembre), contre la destruction des moyens de l’Université, pour la reprise en main démocratique de la Sécurité sociale et de son avenir, pour l’adhésion de la France à l’accord de désarmement nucléaire ….
1.4.3 L’impact de la crise du Covid et les inquiétudes climatiques font que les questions écologiques deviennent des préoccupations de masse, notamment dans la jeunesse. De nouvelles formes d’action s’y manifestent. Nous soutenons les revendications portées par le collectif « Changer le système pas le climat », qui regroupe l’ensemble des associations écologiques qui luttent au quotidien sur la préservation de la planète.
1.4.4 La déferlante Metoo et la lutte contre les violences sexistes et sexuelles ainsi que les combats pour le droit à l'IVG, donnent une dimension nouvelle au féminisme. Les mobilisations des 25 novembre (contre les violences) et 8 mars (grève féministe) ont été les plus importantes de ces dernières années. Les initiatives et les structures de mobilisations féministes se sont multipliées avec une participation importante des jeunes. Dans un cadre d’inégalités persistantes et accrues par les crises, les féministes participent activement aux mobilisations contre les attaques sur le plan social, en défense du climat, contre les racismes, contre les lois "sécuritaires"...
1.4.5 Les mobilisations antiracistes.
1.4.5.1 Les mobilisations antiracistes et contre les violences policières de juin ont été exceptionnelles, à l’exemple des USA. Les initiatives du comité Adama ont mobilisé des dizaines de milliers de jeunes. Les questions liées à la mémoire de la colonisation et de l’esclavage reviennent à juste titre au premier plan.
1.4.5.2 La manifestation du 10 novembre contre l’islamophobie, qui a provoqué des débats au sein de la gauche, a démontré l’importance de ce sujet pour une partie des milieux populaires. L’action contre la stigmatisation et les violences faites aux musulman.nes s’impose d'autant plus avec la loi sur le "séparatisme" préparée par Macron.
1.4.5.3 La question de la réalité et de l'ampleur d’un antisémitisme différent de celui de l’extrême droite continue de provoquer des divisions au sein de la gauche. Des débats existent également à propos des formes de la lutte contre l’antisémitisme. Nous réaffirmons la nécessité de ce combat.
1.4.6 Une mobilisation se développe depuis mai et juin derniers, avec des manifestations massives de sans-papiers. Cette remobilisation des sans-papiers est un élément important pour l’unité des exploités et de leurs luttes.
1.4.7 Nous participons à toutes les initiatives contre les lois sécuritaires et liberticides, comme les campagnes à l’initiative de la Ligue des Droits de l’Homme.
1.5 Les commissions d’Ensemble devront organiser le soutien aux luttes et les interventions et dans les débats qui s’y mènent (rapports unitaires, publication de matériel ad hoc, …). Il s’agit de répondre dans l’actualité immédiate en lien au débat stratégique que nous initions.
2. Construire une alternative à Macron, à la droite et à l’extrême droite
2.1. La crise du système politique.
2.1.1. La crise du système représentatif et la progression de l’abstention posent la question de la légitimité des institutions élues.
2.1.2. Il y a un rejet accru de l’idée que le Président pourrait faire sa politique pendant cinq ans sans que la population ait la possibilité de donner son avis.
2.1.3 Cette crise de légitimité touche également les partis de gauche, même radicale, même s’ils se réclament de la transformation sociale et soutiennent les nouveaux mouvements sociaux.
2.1.4 La question d’une VIème République sociale, écologique et démocratique est posée. Dans les campagnes politiques jusqu'à 2022, nous faisons apparaître la revendication d’un changement de Constitution : redéfinition des tâches du Président, droit au referendum d'initiative citoyenne, droits d’intervention citoyenne des commissions et des observatoires citoyens ....
2.2. La crise du macronisme.
2.2.1. Macron voit l'enlisement de son projet de reformatage du champ politique et des institutions. De plus en plus perçu comme le président des riches, méprisant les milieux populaires, il est rejeté par une partie croissante de la population.
2.2.2. Son plan est de rejouer le duel Macron-Le Pen en vue de 2022. Cette perspective est permise par la crise de la représentation politique et par l'état des diverses gauches.
2.3. Battre Macron, combattre le danger de l’extrême droite.
2.3.1. Deux propositions de formulations ont été débattues
Formulation 1 :
Le duel Macron-Le Pen en 2022 serait un affrontement entre le macronisme anti-populaire et l'extrême-droite et sa démagogie. Dans une telle configuration, un 2ème tour de la présidentielle présenterait donc le risque d’une victoire de l’extrême droite.
Formulation 2 :
Le virage à droite de Macron présente le risque majeur d'accentuer la domination idéologique des idées de droite et d'extrême droite avec un retour des débats sur l'immigration ou l'insécurité. Cela peut faciliter la présence de l'extrême droite encore une fois au second tour de l'élection présidentielle.
2.3.2. Le danger d’extrême droite est renforcé par le bilan des dérives sociales-libérales du quinquennat Hollande et les divisions de la gauche.
3. Rassembler pour agir - Rassembler pour faire gagner une alternative antilibérale
3.1. Marcher sur nos deux jambes : Ensemble ! se donne pour perspective à la fois de contribuer à l'émergence d'un bloc social et politique large pour changer les rapports de force dans le combat contre le capital et en même temps, par ses batailles d'idées et ses propositions, de construire sur la base de convergences stratégiques une force de gauche alternative portant la visée d'une révolution démocratique, d'une autogestion généralisée.
3.2. Rassembler pour proposer l'action et le front commun sur des réponses alternatives à la crise sociale, sanitaire, écologique et démocratique.
3.2.1. Partir des propositions issues des luttes et des expériences alternatives nombreuses qui existent dans les territoires (circuits courts, réseaux de solidarité de voisinage, projets de reprise d'entreprises...). Ces expériences montrent une capacité d’auto-organisation et constituent un point d'appui dans une perspective de transformation radicale de la société.
3.2.2. Favoriser la mise en place de forums sociaux et citoyens, d’assemblées populaires, avec la présence de forces politiques.
3.2.3 Pour l’action, un front politique des gauches et de l'écologie, face au gouvernement, au patronat, autour d'exigences précises, serait un point d'appui indispensable pour changer le rapport des forces.
3.3. Rassembler aussi pour affronter les échéances électorales.
Deux propositions de formulations ont été débattues :
Formulation 1 :
3.3.1. Pour le rassemblement citoyen et populaire, soutenu par les forces porteuses d'une alternative de gauche et écologiste sur un programme de rupture avec les logiques capitalistes et productivistes lors des élections départementales et régionales de 2021.
3.3.2. Pour la séquence électorale de 2022, nous proposons un accord de législature qui comporte les engagements politiques et sociaux de rupture avec les logiques capitalistes et productivistes, ainsi que des candidatures pour les législatives et la présidentielle. Ceci afin de rassembler les citoyens et citoyennes, soutenus par les forces porteuses d'une alternative de gauche et écologiste pour éviter le scénario Macron-Le Pen et proposer un projet politique qui permette de gouverner le pays.
3.3.3. Œuvrer pour que son programme parte des exigences du mouvement social, du regroupement « Plus jamais ça », de celles de la Convention climat mais aussi du manifeste du temps des communs. Un programme qui porte les exigences antiracistes, féministes et démocratiques. Favoriser la mise en place de forums sociaux et citoyens, d’assemblées populaires, avec la présence de forces politiques, comme les collectifs « plus jamais ça / les jours d’après ».
3.3.4. Tout faire pour qu’un pôle radical portant une réelle alternative au capitalisme soit présent fortement au centre de gravité du rassemblement.
3.3.5. Combattre toute vision hégémoniste, agir pour le pluralisme, faire exister les débats démocratiques.
3.3.6 Être partie prenante de la dynamique de rassemblement "2022 (vraiment) en commun", de « Big Bang », mais aussi des différents autres espaces de rassemblement et de débats : "se fédérer", "ensemble, tout est possible", "changer de cap", "pour un nouveau projet politique", "conseil national de la nouvelle résistance".
Formulation 2 :
Agir pour un rassemblement politique antilibéral et anti productiviste, sans attendre. Dans le contexte que nous traversons, face à l’urgence sanitaire, sociale et écologique, il est impératif que les forces de la gauche de transformation sociale et écologiste, de la gauche rouge et verte, se fédèrent, en relation avec le mouvement social, pour défendre un programme de rupture immédiate et de transition vers une alternative démocratique, à la fois écologiste, féministe et antiraciste, au capitalisme néo-libéral et à la crise de l’Etat et des institutions. L’émergence d’un tel rassemblement est nécessaire pour promouvoir une alternative majoritaire qui ne réédite pas l’échec des précédents gouvernements d’union de la gauche.
4. Transformer ENSEMBLE ! pour le dépasser
4.1. Le dépassement est inscrit dans le projet originel d’Ensemble !, issu d’histoires diverses. Il reste à l’ordre du jour et s'inscrit dans la perspective d'une nouvelle force de gauche alternative.
4.1.1. L’ampleur des tâches impose de ne pas rester ce que nous sommes.
4.1.2. Nous avons, dans les organisations existantes et hors des organisations, en particulier dans les collectifs citoyens, des partenaires potentiels.
4.1.3. Nous testons les rapprochements dans l’action commune et les débats de fond.
4.1.4. Nous faisons, dès que la possibilité apparaît, des propositions de regroupement.
4.1.5 De ce fait, nous affirmons notre disponibilité - comme réaffirmé dans notre initiative de débat stratégique - à la construction d’une nouvelle force politique, anticapitaliste et écologiste, qui résulterait des débats et actions communes.
4.2. Continuer ENSEMBLE !, le transformer.
4.2.1. Proposer de faire avec d’autres gagnera en crédibilité si nous nous nous affirmons unis.
4.2.2. Nous visons à faire d’Ensemble un mouvement à la problématique unitaire, mais aussi capable d’initiatives, d'élaboration et de propositions politiques alternatives.