Vote du Pacte de stabilité : les prémisses d’un bouleversement politique
Le "Pacte de stabilité" a été adopté par l’Assemblée ce mardi 29 avril. Si l’issue du vote ne faisait aucun doute, la composition de la majorité pour entériner ce pacte était, elle, très attendue. La décomposition du PS l’est-elle désormais ?
Confronté à une agitation du groupe parlementaire socialiste, gouvernement et direction du PS ont manié carotte et bâton pour circonscrire la fronde des députés. Au sein du Bureau national, le vote "solennel" sur le Pacte de stabilité n’a recueilli que 31 pour et 15 contre. Mais dans une interview au journal Le Monde, le nouveau premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis, déclare : « Si à chaque vote, des élus socialistes votent contre, on n’est plus dans une défiance plus ou moins organisée, mais dans une sécession ».
Une majorité étriquée
La réunion du groupe socialiste, en présence de Manuel Valls est ainsi commentée par un Gilles Savary menaçant : « Le Premier ministre a été ferme et déterminé en plaçant le groupe devant ses responsabilités. Il a dit que sous la Ve République, une majorité qui n’est plus derrière son gouvernement est une majorité qui disparaît. C’est très simple, une partie des socialistes se dérobent dans la gestion de crise ». Manuel Valls, dès le début de son intervention à l’Assemblée, a indiqué : « Le vote d’aujourd’hui est un instant de vérité. Ce n’est pas un vote indicatif, c’est un vote décisif. »
Côté carotte, le bilan est plutôt maigre. Le cap des 50 milliards d’économies a été maintenu et toutes les propositions alternatives, pourtant bien timides, ont été écartées. Le gouvernement a simplement concédé le maintien du pouvoir d’achat pour les pensions de retraites inférieures à 1.200 euros et une petite revalorisation des salaires pour les fonctionnaires de catégorie C.
Dans ces conditions, le gouvernement de Manuel Valls n’obtient qu’une majorité étriquée : 265 pour, 232 contre et 67 abstentions dont 41 socialistes. Le détail des votes qui figure sur le site de l’Assemblée nationale montre que ce mince succès est obtenu grâce à trois députés écologistes qui ont voté pour et à la neutralité bienveillante d’une partie de la droite. Quatre députés de droite ont en effet approuvé le pacte : trois membres du groupe UDI et Frédéric Lefebvre de l’UMP, qui a affirmé auMonde : « Nous n’avons aucun intérêt à nous caricaturer en rejetant de manière systématique tout ce que propose François Hollande ». À cela, il faut ajouter l’abstention de 17 députés UDI, de trois députés UMP et de deux écologistes.
Les décantations au sein du PS ne sont pas achevées
Le président du groupe de l’UDI (vingt-neuf députés), Philippe Vigier, avait annoncé que les députés centristes allaient majoritairement s’abstenir. Dès dimanche, dans un cri du cœur, le président par intérim du parti centriste Yves Jégo avaitannoncé la couleur : « Je ne vois pas comment l’UDI pourrait voter contre le plan Valls. » Cette affirmation est incontestable, tant le plan du gouvernement épouse le credo libéral – et c’est bien là le problème. Si les 41 socialistes qui se sont abstenus avaient voté contre, le pacte aurait été repoussé, ouvrant une crise salutaire dans la majorité. C’était sans doute beaucoup leur demander, mais il ne fait pas de doute que les décantations au sein du Parti socialiste ne sont pas achevées.
Le résultat du vote a donc dépendu de l’attitude d’une partie de la droite. En réalité, seules des considérations tactiques empêchent l’UDI, voire une partie de l’UMP, de soutenir la politique économique du gouvernement – qui est pourtant la leur. Cela traduit tout simplement un tournant désormais achevé par les socialistes, établissant que la politique menée est bel est bien de droite.
Comme l’indique Philippe Askenazy, directeur de recherche au CNRS : « Tour de vis sur les collectivités, étranglement des hôpitaux publics, gel de prestations sociales, vaste redistribution des ménages vers les entreprises : ces choix balaient les fondements de la gauche de gouvernement ». À l’issue du vote, Manuel Valls a salué « un acte fondateur ». Il n’y a nulle raison de s’en féliciter, mais il a peut-être raison, car c’est bien à la liquidation de la gauche telle qu’elle s’est constituée depuis le milieu du XIXe siècle que nous assistons.
Guillaume Liégard. Publié sur le site de Regards.